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REVUES ÉTRANGÈRES

A PROPOS DE LA CORRESPONDANCE
DE DOSTOÏEVSKY


F. M. Dostojevski’s Briefe, traduction allemande d’Alexandre Eliasberg. Un vol. 8°, illustré,.Munich, librairie Piper, 1914[1].


Je ne sais pas si je vous ai parlé déjà, dans une lettre précédente, de mes difficultés avec la revue de Katkof, le Messager Russe ? Le fait est que, vers la fin de l’année dernière, j’ai commencé une nouvelle pour une autre revue, avec l’espérance de pouvoir l’achever bientôt, et de me mettre ensuite à la rédaction du roman pour lequel le Messager Russe m’avait déjà envoyé une grosse avance. Mais il s’est trouvé que ma nouvelle s’est insensiblement allongée, de telle façon que j’ai soudain constaté l’impossibilité pour moi de livrer en temps à Katkof le début du roman promis. Du moins me suis-je engagé à livrer ce roman, morceau par morceau, depuis le mois de juin ; et force m’a été d’y travailler jour et nuit, car je savais trop que, si je venais à rompre mes relations littéraires avec le Messager Russe, cela signifierait pour nous la misère absolue.

Le roman auquel je travaillais était très grand, et d’un caractère très original : mais son idée se trouvait être pour moi quelque peu inaccoutumée, si bien que j’avais besoin de beaucoup de confiance en moi-même pour l’aborder et en venir à bout. Or voici que, en fin de compte, je n’en suis pas venu à bout, et que tout mon effort a tristement échoué ! Mon

  1. Ce volume est à la fois le résumé et le complément d’un recueil de lettres de Dostoïevsky publié à Saint-Pétersbourg par la veuve du romancier en 1883, et dont une traduction française a paru récemment à la librairie du Mercure de France. Non content de nous offrir un grand nombre de lettres nouvelles, le traducteur allemand a restitué le texte original et complet de plusieurs lettres déjà connues, mais où les éditeurs russes de 1883 avaient cru devoir pratiquer d’abondantes coupures.