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formé le centre de la vie de la capitale et même de tout le pays. Depuis les temps les plus reculés, les souverains y avaient leur siège, et, tout à côté, s’élevait le temple de leurs dieux. Les Espagnols ne pouvaient assez exprimer leur admiration sur les imposans monumens qu’ils y trouvèrent. Dans les anciens récits, nous lisons de longues descriptions du palais royal de Montézuma entouré de magnifiques jardins. Le célèbre temple du Soleil, la haute pyramide, teocatli, où des cœurs humains étaient offerts en sacrifice, devaient exciter un plus grand étonnement encore[1].

A part des détails de cruauté de ce genre, les Aztèques avaient atteint un haut degré de civilisation. Bien que leur soi-disant culture soit surfaite et que leurs écrits, comme leurs fameux codes et autres ouvrages, témoignent d’une science très limitée, il n’en est pas moins vrai que leurs institutions politiques et administratives, que tout leur développement social était très perfectionné.

L’ancienne capitale Tenochtitlan doit avoir été très importante. Les Aztèques ont été avant tout de remarquables architectes. Leurs maîtres, les Toltec, leur transmirent leur manière, dont les restes excitent l’admiration des archéologues de tous pays. Les monumens de la capitale, la population très nombreuse et la vie quotidienne fort active ont dû faire cette vive impression si pittoresquement rendue dans les écrits des premiers arrivans. À cette époque comme aujourd’hui, le zocalo était le lieu de réunion du peuple ; les Indiens ont hérité de la coutume de leurs ancêtres et passent des heures entières accroupis sur les escaliers à se chauffer au soleil ; les Espagnols

  1. Cette pierre d’autel, conservée aujourd’hui au musée, présente un creux profond en son milieu, qui semble avoir été la place des cœurs arrachés. Le roi Tizoc fit élever cette pierre en l’honneur du dieu de la guerre et pour immoler les nombreux prisonniers. Nous lisons dans les écrits de Zumarraya, premier évêque du Mexique, qu’annuellement le nombre des victimes dépassait 20 000. Mais le jour de la consécration du terrible autel, l’immolation s’éleva à 70 000 ! Le cortège des condamnés remplissait les rues, et le sanglant sacrifice dura tout le jour. Ces chiffres, peut-être exagérés, ces descriptions peut-être un peu fantaisistes, ont pourtant un effroyable fond de vérité.