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toutes partisans de Porfirio Diaz, vivaient soit retirées, soit au-delà des frontières. Quant aux rares descendans de l’ancienne noblesse espagnole, ils sont généralement appauvris et ne jouent plus un rôle important.

En somme, la puissance est entre les mains d’une classe moyenne très peu instruite, encore moins cultivée, agissant sous l’impulsion de la passion plus que de la raison, issue généralement de métis, héritant pour l’ordinaire plus largement des défauts que des qualités de ses ancêtres. On s’explique par là les tristes événemens qui remplirent le siècle dernier et qui semblent devoir se prolonger encore.

Le sentiment patriotique disparaît devant l’ambition personnelle : chaque fois qu’un homme de valeur surgit à cet horizon trouble, immédiatement il forme un parti et tâche de renverser le pouvoir pour s’en emparer. C’est ainsi que nous assistons à ces changemens continuels de présidence. Quelles que soient les dénominations des différens partis, une fois qu’ils sont arrivés au suprême pouvoir, leur programme de gouvernement ne varie que dans la forme : le fond est toujours le même.

Le peuple, en majeure partie de race indienne, végète dans un état de profonde apathie. Perdu dans ses forêts et labourant ses champs immenses, il est resté fidèle à ses traditions. Mais ces Indiens de l’Amérique centrale nous montrent, même au milieu de leur décadence, les traces d’une civilisation disparue. D’allure svelte, avec des traits remarquablement fins, de manières avenantes, ils gagnent vite la sympathie. Telle était, il y a trois ou quatre siècles, l’opinion des conquérans eux-mêmes.

De mes voyages dans les différentes parties de cette vaste contrée, dans le Nord aride et sous la chaleur tropicale de ses régions méridionales, j’ai conservé les souvenirs les plus agréables. Loin des centres agités, dans de petites villes calmes et tranquilles comme Moreillia, Colima, Orizaba, Puebla, Oaxaca, et tant d’autres, grand fut mon étonnement de rencontrer des monumens remarquables et d’agréables conditions d’existence.

Partout de belles églises et des palais artistiques, des places publiques fleuries et ombragées, des voies larges et droites. Dans la moindre de ces villes, une petite société locale fort polie. Les familles ont conservé beaucoup de leurs anciens usages ; la vieille culture latine a laissé son empreinte, et le matérialisme moderne n’a pu encore entamer cette mentalité idéaliste.