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mieux organisées, mieux payées, l’emportent ; partout les républicains sont traqués ; le 22 juillet, un décret officiel de Yuan met à prix la tête des principaux chefs, sans toutefois nommer Sun-Yat-Sen ; celui-ci, avec Hoang-Hing et plusieurs autres, se réfugie au Japon. La reprise de Nankin par les troupes du gouvernement commandées par le Mandchou Tchang-Hiun fut particulièrement atroce ; la malheureuse « capitale du Sud, » déjà détruite au temps des Taïpings, fut mise à feu et a sang. Trois Japonais ayant été tués dans la bagarre, le gouvernement de Tokio envoya des navires de guerre qui rétablirent l’ordre et sauvegardèrent ce qui restait de la population décimée. La guerre civile s’apaisa ainsi peu à peu. La Chine, de nouveau ensanglantée, était du moins préservée, une fois encore, d’une sécession.

Le 6 octobre 1913, on procéda à Pékin à l’élection pour la Présidence de la République. Le vote eut lieu à huis clos sous la surveillance des soldats et de la police. De 870 membres du Parlement, 732 étaient présens ; 507 votèrent au troisième tour pour Yuan-Chekai, 363 s’abstinrent ou dispersèrent leurs voix. Quelques jours après, les Puissances reconnaissaient officiellement la République chinoise.

Le dernier acte de la tragi-comédie fut joué quelques semaines plus tard. Le conflit entre le Président et le Parlement était irréductible. L’opposition courageuse, mais impuissante, des Chambres ne pouvait que gêner le gouvernement et entretenir des germes de guerre civile. Le 4 novembre, Yuan chassa des Chambres la majorité opposante et, le 12 janvier, il déclara le Parlement dissous ; les derniers sénateurs et députés s’enfuirent. Les comités républicains dans les provinces furent dispersés, et les membres qui chercheraient à se réunir déclarés rebelles. Les Assemblées provinciales furent également dissoutes (mars 1914), la liberté de la presse supprimée de fait. Depuis cette série de coups d’État, Yuan-Chekai, Président de la République, dictateur, règne sans opposition ni contrôle sur l’immense Chine, meurtrie, mais pacifiée. Tout récemment, le 1er mai, une nouvelle constitution a été promulgée, elle organisa le despotisme en faveur du Président de la République. ; Le régime parlementaire est supprimé en fait. Un Parlement devra être convoqué au plus tard en 1916 ; il est dit que son assentiment sera obligatoire pour les lois portant