Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 21.djvu/867

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Mabiala a deux maisons, répond-il ; celle-ci et une autre. Il est dans l’autre, allons-y.

Ma petite colonne repart à travers les rochers, par la même obscurité. Au bout d’une heure, le terrain se modifie, nous marchons sur de la terre, la brousse nous frôle.

Maintenant, nous longeons le bord d’un ravin boisé ; nous avançons plus facilement et plus vite. Ce ravin m’a l’air d’un fameux coupe-gorge, les pentes doivent être presque à pic, car, autant que je suis capable d’en juger, nous avons des cimes d’arbres à notre droite. Si la deuxième caverne de Mabiala est au milieu de ces bois, comment arriverons-nous à la cerner par une nuit pareille ?

Elle est bien là, en effet. Le guide me montre une amorce de sentier qui paraît s’enfoncer dans la terre et les branches : ce sentier aboutit à la maison du chef. La maison ! Je sais ce que représente ce terme !

— Y a-t-il d’autres passages ?

— Un seul : en face, de l’autre côté, là où est la maison de Mabiala.

Je donne l’ordre à Jacquot de prendre le premier chemin avec quinze hommes. En bas, il s’arrêtera, et m’attendra.

Je continue avec cinq tirailleurs. Cinq cents mètres plus loin, nous franchissons le ravin et revenons vers la caverne que nous avons dépassée.

La nuit est plus claire, les nuages se sont dissipés, je peux voir l’heure ; il est quatre heures et demie. Nous descendons une pente douce. Le guide me ralentit, avance pas à pas ; il se baisse et touche une large dalle plate dont le bord surplombe de deux à trois mètres le fond du ravin. L’entrée est sous cette roche.

À ce moment, la baïonnette d’un tirailleur heurte un caillou. Des pas résonnent dans la caverne ; puis une voix lance un appel. C’est Mabiala. Il s’est réveillé et s’inquiète. Nous nous sommes couchés à plat ventre. Nul bruit ne lui répondant, le chef se rassure probablement. Tout rentre dans le silence.

Je lui laisse le temps de se rendormir, puis j’achève la descente. Où est Jacquot ? Il se glisse jusqu’à moi : les sentinelles sont placées, toute issue est fermée.

Je rampe vers l’entrée de la caverne avec le caporal Sori-Bondjo et un tirailleur. Je suis devant un large trou surplombé par la dalle où je me trouvais tout à l’heure.