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Le long du chemin, se dressent des poteaux télégraphiques, indice d’un effort tenté par le Congo, mais dans lequel il n’a pas persévéré. Ils sont là, ces poteaux, fichés en terre depuis deux ans, et nul fil n’y a été attaché ; ils sont là, jalonnant la route, espoir d’une civilisation future, représentans fidèles d’une pénétration aussi lente que pacifique. Trop lente assurément, ces poteaux l’attestent, puisque, au bout de vingt-quatre mois, ils sont encore veufs de leur fil ; trop pacifique, ils en sont la preuve, car les isolateurs dont on les a pourvus ont tous été brisés intentionnellement par les indigènes, sans qu’on ait songé à le leur reprocher. Il est vrai que le mal n’était que dans cette manifestation de révolte ; nulle communication n’a été interrompue, de ce fait, entre la côte et Brazzaville !

A l’Est, de la poussière s’élève. Est-ce Mabiala ? Pourtant nous le supposions dans l’Ouest. Des chéchias apparaissent, c’est un convoi conduit par le « général » Leymarie, et envoyé par Mangin pour prendre des charges à Kimbédi. Mangin m’annonce 63 porteurs… mais les 39 miliciens qui les escortent n’ont pu en conserver que 26 ; les autres se sont sauvés, peu désireux de traverser les Etats de Mabiala Minganga et de Mabiala N’Kinké. Un poste s’impose dans cette région, probablement une répression. Si je suis amené à sévir, les 39 miliciens qui viennent d’arriver ne seront pas inutiles.


8 heures. Une sentinelle signale dans l’Ouest que « y en a d’hommes beaucoup. » Cette fois, c’est Mabiala. Un grouillement couvre la pente de la colline ; au centre, sur le sentier de Loango, le chef s’avance.

Je fais donner, par l’interprète, l’ordre à cette troupe de s’arrêter. Mes 64 miliciens sont alignés derrière moi. Les Bassoundis hésitent, palabrent, et finalement m’envoient un parlementaire. Celui-ci n’ose pas approcher, il reste au pied de mon mamelon, et me déclare de la part de Mabiala que si je ne rends pas les prisonniers, le chef me fera la guerre. Je lui réponds que les prisonniers seront remis en liberté quand Mabiala sera venu lui-même me parler.

Il retourne sur ses pas, et revient une deuxième fois porteur du même ultimatum. En même temps, je remarque un mouvement parmi les Bassoundis : ils ont l’intention de me cerner.