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détails littéraires tu les auras dans un journal que je fais et que je t’apporterai ; il est possible que je l’imprime ; il pourrait être piquant. Ma fille est enrhumée, mais rien de plus, j’en ai des soins peut-être excessifs, et Auguste en est jaloux au point de se détraquer tout à fait ; aie la bonté de lui écrire un mot sans parler de cela, mais en l’encourageant en général. Mon ami est ici dans un incognito qui fait rire, mais il faudra bientôt pleurer en se quittant. Que ferai-je cependant ? Irai-je à Berlin ? À présent que je n’en suis plus qu’à soixante-dix lieues, il me paraît fou de ne pas y aller passer deux mois ; cependant en aurai-je la force ? Écris-moi avec le plus grand détail sur ta santé, courrier par courrier, et, alors, je verrai si je puis continuer, mais jamais, jamais je ne tenterai de nouveau pareille entreprise. Tu ne sais donc pas pourquoi je crains les mots mélancoliques. Je crains la trop grande émotion que j’en reçois ; tes lignes effacées m’ont fait fondre en larmes. Je te le dis, je ne puis pas te survivre. Tache, cher ami, de vivre jusqu’à ce que ma fille soit mariée ; nous nous endormirions si paisiblement ensemble alors. C’est un ange que cette petite ; ni toi ni moi ne la connaissions ; ce sera moi doublée pour toi quand je reviendrai. Je vais faire apprendre l’allemand à Auguste en l’établissant avec Bosse chez un Allemand. Mais je renvoyé les détails à ma première lettre. Je profite de la poste qui part ce soir même, deux heures après mon arrivée.

Mme de Staël devait faire à Weimar un séjour de plus longue durée qu’elle n’avait projeté en arrivant. Elle y passa deux mois et demi. Nous l’y rejoindrons prochainement.

Haussonville.