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mauvaise qu’elle ne l’est actuellement ; et d’après ce que je viens de voir dans le domaine de la Société d’Etudes, j’ai la certitude que la suppression de ces monopoles sera notre salut. Les Bakounis des bords du Niari ne diffèrent pas des Bakounis qui entourent Loudima à l’Ouest et au Nord ; et ceux-ci porteront comme ceux-là. Il en sera de même des Bakambas qui s’étendent à l’Est jusqu’à Kimbédi, et des autres peuplades entre Comba et Brazzaville.

Les Bakounis ne demandent qu’à travailler, mais entre Loango et Kimbédi. Ils refusent de faire le trajet jusqu’à Brazzaville, à travers des populations dont ils connaissent les dispositions malveillantes à leur égard, sur une route où ils ne trouvent pas à se ravitailler. Il est évident que, si les convois circulaient de poste à poste, il serait possible de leur procurer, à peu de frais, une nourriture qui revient actuellement très cher, sans être assurée.

La fidélité des caravanes dépend uniquement de la question alimentaire. Leur remettre d’avance quelques mètres d’étoffe et les lancer, avec ce viatique, c’est leur donner la tentation de tout dépenser dès le début, et les exposer à être rançonnées, dépouillées, au cours de leur voyage. Enfin il deviendrait presque inutile de protéger les porteurs, si ceux d’une région n’allaient pas au-delà de la région voisine, si toutes les races étaient intéressées aux transports.

La mesure prise par Marchand repose sur la logique ; je suis sûr maintenant que mes 800 charges, une fois arrivées à Kimbédi, y trouveront des porteurs.

Marchand, dans sa lettre, s’inquiète aussi de ma santé. Ne lui a-t-on pas annoncé, à toutes les escales, depuis Konakry, qu’il ne me reverrait pas, qu’il était impossible que je fusse encore en vie ! Il est certain que, durant la traversée, j’ai été en piteux état. Une vieille dysenterie, qui datait du Soudan, et m’avait laissé tranquille pendant la colonne de Kong, s’était réveillée en France avant mon départ. Je m’étais bien gardé de la révéler, et malgré la peine que j’avais eue à la cacher, j’y étais parvenu. J’avais résisté jusqu’à Dakar, mais là je ne pouvais plus dissimuler. D’ailleurs, il était temps de me soigner ; je crois même qu’il était grand temps ! A toutes les escales, on essaya de me débarquer. Si je n’avais plus la force de me lever, j’avais encore celle de menacer de mon revolver ceux qui