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VIII

Maintenant, les voies sont de tous côtés ouvertes à la révolution. Son armée est constituée, outillée, commandée par des chefs dignes d’elle. Que la défaite prévue soit annoncée, l’écroulement impérial s’opérera sans obstacles.

L’heure de cette défaite, allait sonner. Ce n’était pas le simulacre du Comité de défense qui pouvait en conjurer les effets. Ce comité n’avait aucun pouvoir de décider quoi que ce fût, ni même de donner son avis sur la direction générale de la guerre ; son mandat était spécialement limité à la mise en état des fortifications de Paris : il rendait compte au gouvernement chaque jour de ce qu’il avait fait la veille, et son compte rendu autographié était délivré à chacun des ministres. Les réunions se tenaient dans la soirée et se prolongeaient jusque vers minuit. Parfois une discussion technique s’engageait, comme le 27 août, par exemple, où l’emplacement d’une pièce fut débattu avec le maréchal Vaillant. Le plus souvent, l’office spécial du Comité épuisé, on s’entretenait des faits généraux de la guerre. Trochu pérorait et récriminait. Le maréchal Vaillant répliquait vertement : « Quand un peuple est malheureux, disait ce noble vieillard, il lui faut une victime, un bouc émissaire : il a choisi Le Bœuf. Les reproches qu’on lui adresse sont injustes, exagérés. S’il avait fallu attendre que les banquiers et les industriels du Corps législatif eussent voté tous les fonds nécessaires à la mise en parfait état de toutes nos places, à l’approvisionnement complet de tous nos arsenaux, en vue de toutes les éventualités non seulement possibles, mais fantaisistes, c’était se condamner à demeurer à tout jamais dans l’état d’humiliation auquel nous avait déjà réduits notre inaction après la bataille de Sadowa. Ce n’était pas possible. Aujourd’hui même que la France est vaincue, je dis que la situation qui vous avait été faite après Sadowa n’était plus tenable ; la France ne pouvait pas l’endurer plus longtemps ; la Prusse du reste désirait la guerre et nous y a provoqués. Ceux qui l’ont déclarée ne méritent aucun reproche. Il la fallait tôt ou tard ; on a cru les circonstances favorables : on s’est trompé, puisque nous sommes battus, mais après tout, la valeur de nos soldats ne s’est pas démentie, et notre défaite est encore glorieuse[1]

  1. . » Notes du maréchal Vaillant.