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leur caractère. Les personnes nous importent peu, les questions seules nous intéressent. Nous avons besoin d’hommes qui, conformément aux votes du pays, soient avant tout décidés à maintenir la loi de trois ans et non pas à en préparer la disparition ; qui acceptent de faire une réforme fiscale, puisque tout le monde la demande, et dans le sens où on la demande, mais qui en excluent la déclaration contrôlée ; enfin qui soient des tenans sincères de la réforme électorale que le pays réclame encore plus impérieusement que tout le reste. De tout cela il y a des partisans aussi et des adversaires dans le ministère Doumergue : il ne doit y en avoir que des partisans résolus dans celui qui lui succédera.


Que se passe-t-il en Albanie ? Des choses singulières à coup sûr, bien qu’elles ne soient pas précisément inattendues ; elles ne le sont que dans la forme ; mais des choses dont les détails restent encore très confus. En tout cas la situation est inquiétante. Il faut avoir la philosophie du comte Berchtold pour trouver que tout va bien en Albanie, ou que tout ira bien, et qu’il n’y a pas à se tourmenter d’événemens aussi ordinaires dans les Balkans. Il est à craindre que cet optimisme de commande ne résiste pas longtemps à l’évidence des faits. Nous avons toujours cru que l’Albanie, telle qu’elle a été constituée par l’Autriche et par l’Italie avec la complaisance de l’Europe qui voulait leur être agréable, était une création artificielle et fausse, destinée à nous causer beaucoup de surprises : mais les surprises se multiplient, s’accumulent et dépassent tout ce qu’on avait imaginé.

Les choses allaient mieux en apparence et le comte Berchtold pouvait, il y a quelques jours, en faire valoir l’amélioration devant les Délégations ; le gouvernement albanais, obéissant cette fois à de bons conseils, venait d’accorder aux Êpirotes les garanties qu’ils demandaient les armes à la main ; de ce côté il y avait détente, et on pouvait espérer un apaisement plus ou moins durable ; enfin l’Europe commençait à détourner les yeux de l’Albanie pour les porter ailleurs lorsque le télégraphe lui a apporté la nouvelle qu’Essad pacha avait trahi son maître, ce à quoi, vu les précédens, il fallait s’attendre un jour ou l’autre, qu’il avait été bombardé dans son palais, puis fait prisonnier et finalement transporté sur un bateau autrichien et de là sur un bateau italien. Pourquoi ce transbordement a-t-il été opéré d’un bateau à un autre, c’est ce qu’on n’a pas expliqué très clairement : il est probable que le commandant italien a réclamé Essad et qu’on n’a pas osé le lui refuser. Essad était en effet dévoué à l’Italie, en