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dépasse 3 000 gauss, c’est-à-dire plus de 6 000 fois la force magnétique qui, à la surface de la Terre, attire vers le Nord l’aiguille aimantée. M. Hale a découvert aussi que la polarité magnétique des taches solaires dépend du sens dans lequel elles tourbillonnent et que souvent deux taches placées symétriquement de part et d’autre de l’équateur solaire ont un magnétisme opposé. Enfin, il y a quelques semaines, M. Hale a découvert aussi, et par des méthodes analogues, que le Soleil tout entier, et en dehors des champs magnétiques locaux des taches, est magnétique dans son ensemble comme la Terre elle-même, et de telle sorte que ses pôles magnétiques Nord et Sud sont orientés comme sur la Terre et près des pôles de rotation. Quant à l’intensité de ce champ magnétique général, elle serait en moyenne 80 fois plus grande à la surface du Soleil qu’à la surface de la Terre.

M. Deslandres a obtenu de son côté des résultats dans le même sens par l’étude de la courbure des protubérances solaires et de leur vitesse radiale.

Enfin une découverte, faite il y a quelques semaines à peine par le physicien allemand Stark, vient d’apporter un élément nouveau d’intérêt et d’espoir à ces études de physique solaire : elle prouve en effet que les raies spectrales peuvent manifester non seulement l’existence des champs magnétiques, mais aussi, par un effet analogue au phénomène Zeeman et d’ailleurs différent dans sa modalité, celle des champs électriques qui agissent sur les sources lumineuses.

Il est encore trop tôt pour envisager les conséquences qu’aura en astrophysique le phénomène de M. Stark. Certains astronomes n’envisagent point sans un peu d’affolement la complication nouvelle qu’il va introduire dans les études d’optique solaire ; ils craignent qu’on ne finisse par ne plus pouvoir se débrouiller dans l’enchevêtrement des causes multiples qui agissent sur les raies du spectre. A mon sens, ils ont tort, et c’est un peu se plaindre que la mariée est trop belle. Plus la science progresse, plus les apparences fugitives qu’elle nous montre se compliquent. Si cela n’avait que l’avantage de nous rendre plus modestes dans nos prétentions et moins béatement catégoriques dans nos systèmes, ce serait déjà tout bénéfice. Mais il en est bien d’autres encore, ne fût-ce que l’éternel attrait du « nouveau, » de l’ « inédit. »

En tout cas, dès maintenant la moisson est belle des découvertes faites dans l’atmosphère de notre petit Soleil, et ce n’est point en vain que les astronomes ont lentement dégrafé la robe vaporeuse où flotte son disque d’or fluide.


CHARLES NORDMANN.