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Si, s’est dit M. Hale, la matière tourne en tourbillonnant au-dessus d’une tache solaire et si elle est électrisée, elle doit engendrer un courant électrique, c’est-à-dire un champ magnétique. Or la matière doit être très probablement électrisée aux abords de la photosphère : d’une part, en effet, comme nous l’avons indiqué, la luminescence des gaz de la chromosphère est très certainement d’origine électrique. D’autre part, notre atmosphère terrestre est électrisée (et on sait que les mouvemens qui engendrent les orages produisent des décharges électriques intenses, les éclairs) ; les mêmes phénomènes, mais à un degré inférieur, doivent exister dans le soleil. On sait aussi que la lumière solaire agissant sur les particules de notre atmosphère les ionise, c’est-à-dire les dissocie en particules plus petites chargées, les unes d’électricité négative, les autres de positive ; a fortiori cette même lumière ne saurait agir autrement dans l’atmosphère même du Soleil, là où elle est des millions de fois plus intense. Enfin on a découvert, depuis quelques années, que les corps incandescens émettent des électrons négatifs en grande quantité ; le filament de carbone d’une lampe à incandescence peut produire par exemple de cette façon un courant de plusieurs ampères par centimètre carré de sa surface ; la photosphère solaire, où la matière se trouve à un état d’incandescence encore bien plus élevé, doit forcément se comporter de même. Pour toutes ces raisons, on ne peut échapper à la conclusion que la matière qui est en mouvement dans l’atmosphère solaire doit être très fortement chargée d’électricité.

S’il en est ainsi, cette matière électrisée en mouvement doit avoir les mêmes effets que le courant électrique qui circule dans un fil de cuivre : le physicien américain Rowland a montré en effet naguère, dans une expérience célèbre, qu’un corps chargé d’électricité statique, et qui se déplace très vite, est analogue à un courant d’électricité dynamique. En particulier, il a, comme celui-ci, la propriété de dévier les aimans placés dans son voisinage, et on sait par les célèbres expériences d’Œrsted et d’Ampère que le sens de cette déviation est déterminé par une règle simple et se fait de telle sorte que l’aimant tend à se mettre en croix avec le courant électrique. Autrement dit, les corps électrisés en mouvement produisent dans leur voisinage un champ magnétique. Il s’ensuit donc que les gaz électrisés qui tournent en tourbillonnant au-dessus des taches solaires doivent se comporter comme ferait une gigantesque bobine d’électro-aimant, et produire au-dessus des taches un champ magnétique dont l’axe est sensiblement perpendiculaire au Soleil.