Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 21.djvu/694

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le spectrohéliographe est l’œuvre commune et indépendante de deux éminens astronomes, l’un Français, M. Deslandres, aujourd’hui directeur de notre grand observatoire solaire de Meudon, l’autre Américain, M. Hale, directeur de l’observatoire de Mount-Wilson. Malgré son nom un peu rébarbatif, cet appareil est, comme toutes les inventions vraiment belles, fondé sur une idée à la fois simple et ingénieuse et nos lecteurs me pardonneront si je ne puis résister au désir de leur exposer brièvement en quoi il consiste, dussé-je leur paraître pendant quelques instans un peu trop « technique. » Aussi bien, on ne peut prendre un plaisir véritable et complet aux harmonieuses constructions de la science, si on n’a pas une idée un peu exacte des mécanismes qui en ont édifié les lourdes pierres de taille. Si la science nous enseigne le « comment, » — et non point le pourquoi, — des choses, il n’est point indifférent de savoir comment on découvre ce « comment. »

Imaginons que, ayant une image assez large du Soleil au foyer d’une lunette, je place la fente d’un puissant spectroscope suivant un diamètre de cette image, par exemple suivant l’équateur : j’aurai à l’autre bout du spectroscope un spectre complet de l’équateur solaire. Supposons que j’isole dans ce spectre une raie déterminée, par exemple la raie rose de l’hydrogène, et que je cache tout le reste du spectre à l’aide d’un écran percé d’une fente fine qui coïncide avec cette raie : si je place derrière l’écran une plaque photographique, j’aurai sur celle-ci une raie allant d’un bout à l’autre de l’équateur solaire, et dont l’épaisseur et l’intensité ne seront pas égales d’un bout à l’autre, mais dépendront de la répartition sur l’équateur solaire des masses d’hydrogène dont l’absorption dans l’atmosphère du Soleil produit cette raie. Imaginons maintenant que, laissant tout le reste immobile, je déplace l’image du Soleil sur la fente, de manière à la faire balayer entièrement et successivement par celle-ci ; si je donne, à l’autre bout de l’appareil, un mouvement simultané et correspondant à la plaque photographique, il est clair que j’aurai finalement sur celle-ci une image du Soleil tout entier provenant uniquement de son hydrogène atmosphérique.

On peut ainsi, en isolant telle ou telle raie du spectre, avoir une image de l’atmosphère solaire provenant uniquement de tel ou tel élément chimique de cette atmosphère, ou plus exactement de telle ou telle raie de cet élément.

Mais on a fait beaucoup mieux encore et on est arrivé, comme nous allons voir, et grâce surtout aux beaux travaux de M. Deslandres, à