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la clarté.… » Voilà le goût, dans le costume, la mode, l’usage le plus divers, le langage et, particulièrement, la littérature. Tout l’aspect d’un pays ou d’une société révèle un même état d’esprit, le même génie et la même folie peut-être. Une même corruption se manifeste dans nos airs, dans notre activité, dans nos livres. M. Marcel Boulenger n’a pas entrepris toute la réforme : il laisse à d’autres la critique de notre activité. Mais nos airs et nos livres, il les tarabuste. Et voyons, en littérature, son idée de l’élégance.

L’auteur de l’Introduction à la vie comme-il-faut nous est déjà recommandable pour avoir composé, sur la Querelle de l’orthographe, un juste pamphlet. Ces réformateurs et, plus ou moins érudits, chambardeurs de notre vocabulaire, philologues délirans et démagogues forcenés, primaires exaltés et politiciens qui avaient résolu de sacrifier au peuple électoral le visage des mots français, il les a bien admonestés et châtiés. Puis, sans redouter aucunement l’accusation de pédantisme, il a diagnostiqué Les quatre maladies du style. Honneur au maître de nos élégances : il a su que la littérature était en danger ; sur-le-champ, brave, il s’est engagé dans le franc bataillon des pédans. Quatre maladies ; il y en a d’autres. Celles qu’il y a diagnostiquées, les voici. Premièrement, « l’abus du génitif. » Un lauréat de l’Académie Goncourt écrit : « Une pelouse que bordent comme d’une chaîne de médaillons ovales des corbeilles de fleurs d’une jolie diaprure… » Ce lauréat, qui sans compter entasse tous ces génitifs, a aussi le tort de substituer à des prépositions telles que par ou avec la perpétuelle préposition de : manie fréquente aujourd’hui. Deuxièmement, « le néologisme. » Nos contemporains ont un entrain terrible pour inventer des mots. C’est qu’ils se dépêchent et n’attendent pas d’avoir trouvé, dans le riche trésor de notre langage, le mot dont ils auraient besoin. Vite, ils vous ont tiré du grec, ou de l’anglais, ou de leur imagination si prompte à jargonner, de soudaines syllabes. Ils ne songent pas, — et à quoi songent ces énergumènes ? — qu’il faut des années, ou des siècles, pour que des syllabes deviennent des mots véritables, prennent de la réalité, commencent de vivre. Troisièmement, « la monotonie de la syntaxe » et, quatrièmement, « la veulerie dans les descriptions. » Le choix de ces quatre maladies me semble un peu arbitraire ; d’autres maladies du style contemporain ne sont-elles pas encore plus graves et inquiétantes ?… La « monotonie » de la syntaxe ; mais, surtout, l’ignorance de la syntaxe. Le néologisme ; et, surtout, l’ignorance des mots et de leur signification. M. Marcel Boulenger cite un apophtegme qu’a formulé M. Michel Bréal dans sa Sémantique : « La