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géométrie prépare et figure un corps de miroir pour l’expérimentateur qui veut brûler tout combustible à quelque distance que ce soit. Et maître Pierre construit ce miroir comburant qui vaut plus que le trésor d’un roi et qui rappelle les merveilleuses inventions d’Archimède, dont Buffon, au XVIIIe siècle, constatera, par ses expériences, les prodigieux effets.

Le médecin cherche d’abord, dans les livres, les moyens de conserver la vie et la santé. S’il se propose de prolonger la vie humaine, il observe certains animaux, aigles, cerfs, corbeaux, persuadé que tout est donné aux brutes pour l’instruction des hommes, et leur demande les secrets naturels qui expliquent la longue durée de leur existence. Comme maître Pierre a étudié l’alchimie spéculative, l’alchimie opérative et pratique, il réclame à l’une et à l’autre la production de cet élixir qui ferait vivre les hommes actuels aussi longtemps que certains animaux et les anciens hommes.

Maître Pierre s’adresse aussi aux hommes pour remonter des pratiques techniques aux doctrines scientifiques qui en furent autrefois le point de départ ou l’occasion. Avant les modernes, qui s’efforcent de démêler, dans l’alchimie, l’astrologie et surtout dans la magie des périodes antérieures, ce qui est rêverie et superstition d’avec ce qui constitue des données positives et des pratiques dérivées des lois naturelles, maître Pierre considère les tentatives d’expérience et les sortilèges des vieilles femmes, leurs charmes et ceux de tous les magiciens, les impostures et les artifices des jongleurs pour savoir tout ce qui peut être su, pour séparer ce qui est magique ou démoniaque, selon les idées du temps, de ce qui est l’œuvre de la nature et des puissances naturelles.

Aussi maître Pierre ne convoite ni les honneurs, ni les richesses qu’il lui serait facile d’acquérir ; il dédaigne les discours et les combats de mots. Passionné pour la science qu’il poursuit partout où il peut la recueillir, il ne l’est pas moins pour la réalisation des œuvres qui augmenteront la puissance de l’homme et rendront sa vie plus facile, meilleure et plus longue.

À côté de cet incomparable savant, Roger Bacon met sou-t vent un exégète et un théologien non moins remarquables. Pendant trente ans, il a étudié les langues pour corriger le texte sacré et convertir les Infidèles. S’il avait une Bible grecque