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semble-t-il, dans une certaine intimité avec Pierre de Maricourt, avec d’autres hommes moins connus dans les écoles.

Jean de Garlande, disciple de Jean de Londres et d’Alain de Lille, maître trois ans à Toulouse, vécut ensuite à Paris de 1232 à 1252. Ses écrits, fort employés en Angleterre, donnèrent peut-être à Roger Bacon le goût des recherches grammaticales. Son Dictionnaire scolastique suppose des préoccupations analogues à celles qu’on rencontre, sous une forme plus scientifique, chez Pierre de Maricourt : « Nous avons, dit-il en débutant, à noter les instrumens nécessaires à l’entretien du corps, tant à la ville qu’à la campagne, mais auparavant je nommerai les choses que j’ai observées en marchant dans la ville de Paris. » Ce fut Jean de Garlande qui fit l’éloge de son collègue, Alexandre de Halès : « En lui s’alliaient, dit-il, une profonde humilité et une majestueuse grandeur ; par les mœurs, il fut un joyau de pureté ; par la science, il est comparable à une fleur magnifique qui, transplantée du sol d’Angleterre où elle avait pris naissance, embauma de son parfum la ville de Paris et fut la gloire de l’Université. »

De Guillaume d’Auvergne, Roger Bacon parle avec respect et admiration. Il s’appuie sur son témoignage pour soutenir que l’intellect agent est Dieu, et non une partie de l’âme : « J’ai entendu deux fois, dit-il, le vénérable évêque de Paris, le seigneur Guillaume d’Auvergne, l’Université étant réunie autour de lui, réprouver ceux qui affirmaient le contraire, disputer avec eux et établir, par les raisons que je pose, que tous se sont trompés. » Guillaume, maître en théologie, puis évêque de Paris, mourut en 1249 : « Au temps de ma jeunesse, dit-il, je me persuadais qu’il est facile d’acquérir l’esprit prophétique et de recevoir en abondance les rayons de la splendeur divine. Il me semblait que je pouvais facilement purger mon âme de ses souillures, la dégager peu à peu par les privations, des soucis et des jouissances qui la captivent et qu’alors libre et forte, elle s’élancerait d’elle-même dans les hautes régions de la lumière. Hélas ! j’ai reconnu depuis longtemps, par expérience, que la vertu et la grâce peuvent seules purifier nos âmes de la souillure du péché. » C’est, en germe tout au moins, la théorie que l’on trouve chez Roger Bacon, celle que présentent les philosophes arabes à propos de l’intellect, celle que Plotin donne sous sa forme complète : l’âme, purifiée par l’exercice des