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les voies admirables qu’il a suivies, il a su les sciences beaucoup mieux que les autres hommes, de telle façon que, parmi les traducteurs, seul il a connu les sciences, comme seul Boèce a connu les langues : les Latins lui doivent ainsi les livres du bienheureux Denys l’Aréopagite, de Jean Damascène et d’autres auteurs consacrés. D’ailleurs, il a fait mieux que des traductions, il a négligé les livres d’Aristote et leurs voies : par son expérience propre, par d’autres auteurs, par d’autres sciences, surtout par les mathématiques et par l’optique, il a traité des matières touchées par Aristote plus sûrement que ne font les mauvaises traductions de ses œuvres, comme le prouvent ses écrits sur l’arc-en-ciel, les comètes et d’autres problèmes. En fait, nous ne savons guère sur l’œuvre scientifique de Robert Grosse-Tête que ce qu’en dit Roger Bacon. Toutefois, Bridges a signalé, dans un des opuscules de Robert, des pages qui ressemblent fort à ce qu’on trouve chez Roger Bacon sur la propagation de la force, sur les lois de la réflexion et de la réfraction. Et il y a, dans ses écrits, d’autres indications à relever, Augustinien et plotinien, par ses commentaires sur la Théologie mystique du Pseudo-Denys, par la glose sur la Consolation de la philosophie de Boèce, il l’est encore et fait songer au Livre des Causes et à l’Élévation théologique de Proclus dans ses Commentaires sur les seconds Analytiques d’Aristote : « Il y a une science synthétique, acquise sans le secours des sens… Si la partie supérieure de l’âme humaine que l’on appelle l’intelligence, n’était pas offusquée, embarrassée par la pesante masse du corps, elle recevrait la science complète du rayonnement de la lumière supérieure, sans rien devoir aux sens. Un jour, dépouillée du corps, elle jouira de ce privilège que déjà, dit-on, possèdent quelques élus, affranchis en ce monde de tout contact avec les fantômes des choses corporelles. Mais la pureté du regard de l’âme étant troublée, gênée par ce corps corrompu… la raison ne connaît l’essence de l’universel en acte qu’en la dégageant, par le moyen de l’abstraction, de la multitude des individus et elle se trouve alors en présence de l’un et du même, recueilli suivant son jugement, d’un grand nombre de singuliers. Ainsi, par le moyen des sens, on recherche et on dépiste l’universel dégagé de ses particuliers. » Il y a des affirmations analogues dans le Traité sur Dieu, les anges, l’âme humaine. « Dieu est la forme de toutes les choses, étant