Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 21.djvu/547

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

billet ! Il est stipulé, en effet, que si la déclaration est reconnue inexacte, l’administration peut substituer au revenu déclaré un revenu plus élevé, sous réserve du droit pour le contribuable de réclamer devant les tribunaux compétens, qui apprécient les motifs invoqués de part et d’autre et fixent la taxe de cotisation.

Et l’on prétend qu’un impôt de ce genre ne comporterait aucune inquisition ! Il est manifeste, au contraire, pour l’homme même le plus naïf, que l’administration aurait toute facilité pour contraindre l’assujetti à produire ses livres et documens. Elle n’aurait qu’à substituer au revenu déclaré un revenu plus élevé pour que l’assujetti fût bientôt réduit à se défendre et à fournir des preuves ; et où pourrait-il trouver des preuves, sinon dans ses documens ou livres ? L’administration, après les premières années de répit, ne se gênerait certainement pas pour pousser le contribuable ou nombre de contribuables à cette extrémité. Elle le ferait d’autant plus que, comme l’a dit M. Ribot au Sénat, on ne peut compter en France sur un corps de fonctionnaires suffisamment indépendant pour être soustrait aux considérations politiciennes[1], et que les agens du fisc devront, d’ailleurs, dans cette immense œuvre de taxation, se faire aider, comme en Angleterre et en Allemagne, par des auxiliaires locaux bénévoles, lesquels, eux incontestablement, seront plus ou moins accessibles aux pressions locales ou aux partis pris locaux.

On invoquera peut-être, à l’appui du projet Renoult, la disposition finale : lorsque le contribuable ne fait aucune déclaration, il est taxé d’office ; on dira que beaucoup de contribuables se résigneront à cette situation. Mais, cette taxation d’office, du moment qu’il n’est pas stipulé qu’elle doit reposer formellement sur des indices désignés par la loi, ne peut qu’être arbitraire et donner lieu aux plus grands abus. Le taxateur sera doux poulies amis du pouvoir qui seront sous-taxés et dur pour des adversaires qui seront surtaxés ; puis il n’aura qu’à élever la taxation chaque année pour réduire l’assujetti à la déclaration.

Ainsi, le système de M. Renoult conduit nécessairement a la déclaration contrôlée, disons minutieusement contrôlée, et c’est ce que le rapporteur à la Chambre a reconnu, proclamé même, dans les termes les plus saisissans. « La déclaration inscrite dans

  1. Déclaration de M. Ribot dans la séance du Sénat du 17 février 1914.