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d’une année à l’autre ; cette taxe irait jusqu’à 5 pour 100 du montant de l’enrichissement, c’est-à-dire dépasserait le revenu annuel. Telles sont les propositions que faisait sans sourciller la Commission de législation fiscale de la Chambre défunte.

Voilà les miracles de la conjugaison ! Les revenus provenant des valeurs mobilières au porteur seraient taxés, en certains cas, à 25 pour 400, deux ou trois fois plus que le taux cumulé de tous les impôts directs chez n’importe quelle nation d’Europe ; on y joindrait, s’il y avait enrichissement, une taxe, une fois payée il est vrai, allant jusqu’à 5 pour 100 du capital.

Les Anglais n’ont qu’un tout petit reliquat d’impôt foncier sur la propriété non bâtie ou landtax, 750 000 livres sterling, soit 17 millions et demi de francs ; ils n’ont, pour l’Etat, qu’une taxe des plus légères sur la propriété bâtie, house duty, soit 2 130 000 livres sterling ou 54 millions de francs ; ils ne connaissent rien d’analogue à notre contribution mobilière ; tout cela leur constitue, en dehors de l’impôt sur le revenu, des taxes directes tout à fait infimes. Nous Français, nous avons des taxes directes notables, huit fois plus importantes, d’une façon absolue, sans tenir compte de l’inégalité de richesse, que les taxes britanniques correspondantes : les Anglais ignorent enfin nos impôts spéciaux sur les valeurs mobilières ; ils ne connaissent pas les patentes ; et nous irions, sans rien supprimer de toutes nos taxes, toujours y ajouter, sous prétexte de conjugaison, l’impôt complémentaire britannique à un taux plus que double de celui qui était jusqu’ici appliqué dans la Grande-Bretagne, et, en outre, un impôt sur le capital, plus lourd que l’impôt germanique sur la fortune, un impôt sur l’enrichissement, etc.

Nous avons qualifié de maniaques, et on peut dire aussi de forcenés, ceux qui nourrissent de pareils projets ; ces expressions vraiment ne sont pas, en pareil cas, excessives.

On avait jadis, en 1909, présenté ces nouvelles formules de taxation comme devant se substituer aux anciennes et les remplacer. On eût supprimé nos quatre contributions directes ; on eût mis à la place sept impôts cédulaires, et l’on eût superposé au tout l’impôt dit complémentaire ; on ne pensait pas alors, pas même M. Caillaux, à un impôt sur le capital et à un impôt sur l’enrichissement.

Aujourd’hui, l’on tombe d’accord que les contributions directes actuelles seront maintenues, quitte à être modifiées