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directe, mais elle a, sur les vivans, un impôt sur la fortune qui en tient très modestement lieu, produisant à peine les trois quarts de ce que produisent nos droits de succession en ligne directe[1] ; eh bien ! on conjuguera l’impôt allemand sur la fortune avec notre impôt successoral en ligne directe, bien que cette conjugaison n’existe aucunement en Allemagne.

Et ainsi de suite, voilà tout le mystère de la conjugaison : on ramasse toutes les taxes directes qui existent, sous des formes diverses, chez tous les peuples et on les conjugue avec les taxes directes qui existent chez nous et que ces différens peuples ignorent.

On arriverait ainsi à des taux phénoménaux ; on prétend, par exemple, emprunter aux Anglais leur supertax à l’impôt sur le revenu dont il a été question plus haut : cette supertax, on l’a vu, frappait d’abord les revenus au-delà de 125 000 francs ; on va, parait-il, l’appliquer à tous les revenus au-dessus de 75 000 ; elle était de 6 pence par livre sterling, soit de 2, 40 pour 100, elle s’ajoutait à un taux d’impôts sur le revenu qui s’élevait actuellement à 5, 80 pour 100 (1 shilling 2 pence par livre sterling) ; cela portait le total de la taxe sur les très gros revenus à 8, 20 pour 100 ; mais il n’y a pas en Angleterre d’impôt spécial sur le revenu des valeurs mobilières ; c’est tout ce qu’elles paient au maximum. Or, en France, les valeurs mobilières au porteur, c’est-à-dire la grande généralité des valeurs, paient, d’après les lois récentes, 13, 75 pour 100 ; on y ajouterait, pour les revenus au-delà d’un certain chiffre, un impôt dit complémentaire, qui serait plus du double de ce qu’était jusqu’ici la supertax anglaise, soit de 5 pour 100 ; cela porterait l’ensemble de l’impôt à 18, 75 pour 100 ; l’on y ajouterait un impôt sur le capital, qui serait de 0 fr. 25 par 100 francs ; soit, en supposant un intérêt moyen de 4 pour 100, une nouvelle taxe de 6, 25 pour 100, cela porterait à 25 pour 100 la taxation pour ceux qui ont des valeurs mobilières au porteur, — et ces titres constituent les deux tiers au moins des revenus de la généralité des rentiers ou capitalistes ; ce n’est pas tout ; il y a la taxe proposée sur l’enrichissement, c’est-à-dire sur l’excédent du capital imposé

  1. On a vu plus haut que la taxe prussienne sur la fortune a produit 78 millions de francs en 1912-13 ; or, nos taxes de succession en ligne directe ont produit 101 millions 1/2 en 1912 (Bulletin de Statistique, du ministère des Finances, livraison de décembre 1913, p. 717).