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d’immeubles produit 150 millions, c’est-à-dire près de trois fois davantage. L’Etat français ferait donc une perte énorme s’il échangeait, sur ce point, sa méthode de taxation contre la méthode prussienne.

Les différens peuples ont des méthodes fiscales différentes, de même que des méthodes politiques diverses. Il est aussi frivole de vouloir copier servilement celles d’un peuple voisin, en matière de fiscalité, qu’en matière de constitution politique ou sociale. Les radicaux et les socialistes ne proposent pas à la France d’échanger son institution contre la Constitution germanique ou contre la Constitution britannique ; par quel illogisme donc prétendraient-ils que nous échangions nos lois fiscales contre les lois fiscales de l’Allemagne ou les lois fiscales de l’Angleterre ? La prétention est d’autant plus folle qu’il y a un lien étroit entre le système fiscal d’un peuple et son système politique ou social.

Il ressort amplement de ces études que les lois fiscales, soit de l’Angleterre, soit de l’Allemagne, n’émanent pas de recherches doctrinales au sujet du meilleur système de taxation, qu’elles ont des origines très anciennes dans l’évolution de ces peuples, et qu’elles se sont formées empiriquement, ce qui ne leur confère aucun mérite spécial, aucune supériorité sur les lois fiscales d’autres peuples à différente évolution politique et sociale.


IV. — LES PROJETS FISCAUX EN FRANCE ; LE SYSTÈME DE LA CONJUGAISON

On propose, cependant, à la France avec une hauteur farouche, de copier servilement toutes ces lois fiscales exotiques et même, suivant une expression du grand protagoniste de cette politique, M. Caillaux, de les conjuguer. Voici ce que serait cette conjugaison : la France a un impôt spécial sur le revenu des valeurs mobilières, impôt qui, avec les additions récentes, les frappe toutes, à la seule exception des Rentes françaises ; on y joindrait l’impôt germanique sur le revenu, bien que les Allemands ne possèdent pas l’impôt spécial sur le revenu des valeurs mobilières ni les énormes droits de timbre ou d’enregistrement qui, chez nous, frappent ces titres. La France a des droits de succession élevés, aussi bien en ligne directe qu’en ligne collatérale ; l’Allemagne n’a aucun droit de succession en ligne