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plifiée, et qui pourrait s’en plaindre ? Il est vrai que d’autres difficultés pourraient venir des généraux vainqueurs. Quoi qu’il en soit, après d’assez longues négociations qui ont eu pour objet de préciser les conditions dans lesquelles s’exercerait la médiation, il a été décidé que les représentans des médiateurs d’une part et des intéressés de l’autre se réuniraient, le 18 mai, à Nicaragua-Falls et tâcheraient de se mettre d’accord. L’œuvre de la médiation est donc commencée. Le général Huerta a désigné ses représentans, les États-Unis vont désigner les leurs : l’initiative de l’Amérique du Sud a fait luire un espoir de solution sur le conflit le plus embrouillé.

C’est un événement d’une importance extrême que cette médiation. Elle manifeste, comme on l’a dit, la solidarité qui unit aujourd’hui l’Amérique tout entière, depuis le Nord jusqu’au Sud, depuis le détroit de Behring jusqu’à celui de Magellan : un pareil fait peut avoir pour l’avenir les plus grandes conséquences. Les États de l’Amérique latine sont en effet en pleine croissance, et tout fait croire que leur développement, déjà en très bonne voie, prendra bientôt une accélération considérable. À ces progrès matériels vient s’ajouter le progrès moral dont la médiation actuelle est la manifestation éclatante. Nous avons rappelé qu’au début de la crise, les États-Unis n’avaient pas accepté cette médiation ; mais en présence d’une situation compliquée, hasardeuse, objet de leurs préoccupations et, on peut le dire, de celles du monde entier, ils l’ont acceptée aujourd’hui. Ni eux ni le Mexique ne pouvaient la repousser sans endosser une immense responsabilité. Réussira-t-elle ? Il faut l’espérer et, en tout cas, le désirer très vivement ; mais, même si elle échouait, elle devait être tentée et elle laissera des traces. On connaît l’expression inventée, si nous ne nous trompons, par Talleyrand que, s’il faut être bon Français, bon Anglais, bon Autrichien, il faut aussi que, dans chaque pays, on soit bon Européen. En Amérique, il faut être bon Américain, et c’est à développer ce sentiment que servira l’entreprise actuelle. Un jour sans doute, on usera d’une locution plus vaste encore pour y comprendre toute l’humanité.


Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
Francis Charmes.