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« J’ai voulu, lui répond-elle, faire ma paix avec Dieu sur l’extrémité — de ma vie ; et encore n’aurait-il pas suffi — de toute ma pénitence pour me tirer de peine, — s’il ne s’était pas trouvé que se fût souvenu de moi — Pierre Pettinagno dans ses saintes prières. »


C’est ainsi qu’une fraîche et pénétrante odeur franciscaine s’exhale pour nous de toutes les pages du volume consacré récemment par M. Piero Misciatelli à l’histoire des principaux Mystiques siennois. Impossible d’imaginer des âmes plus intimement proches de celle du grand saint de la Portioncule, — à l’exception toutefois du fâcheux capucin siennois Bernardino Ochino, dont M. Misciatelli aurait bien dû garder le portrait pour un autre recueil, au lieu d’associer comme il l’a fait aux douces figures souriantes d’un Giovanni Colombini et d’un saint Bernardin celle de ce raisonneur vaniteux et intraitable, dont les subtilités dialectiques ont fini par agacer Calvin lui-même et ses autres frères en protestantisme. Quoniam non cognovi literuturam, introibo in potentias Domini (parce que je n’ai point connu la littérature, je me trouverai admis au royaume de Dieu) : cette phrase ingénue d’un vieux saint siennois, que l’on croirait sortie de la bouche du frère Genièvre ou de quelqu’un de ses compagnons de la première génération franciscaine, nous revient sans cesse à l’esprit en présence d’un groupe pittoresque et touchant de « grands enfans, » obstinément résolus à ne chercher le bonheur que dans les seules voies de la pauvreté et de l’ignorance, de l’oubli complet de soi-même et de l’amour d’autrui. Ne nous semble-t-il point, par exemple, retrouver un chapitre perdu du Miroir de Perfection et des Fioretti dans cet extrait d’un recueil siennois d’exemples moraux » du XIVe siècle :


Il y avait comme prieur, au couvent de la Selva del Lago, en ce temps-là, un très saint et vénérable frère Bandino, de la famille des Balzetti de Sienne. Un jour, étant l’heure de midi et les frères ayant à garder le silence, dans leurs cellules, voici que le frère Bandino découvre qu’un voleur a pris l’âne du couvent et est en train de l’emmener avec soi ! Sur quoi le prieur, ne voulant pas rompre le silence ni le faire rompre aux frères, est bien forcé de souffrir que le voleur s’en aille avec cet âne. Du moins s’en va-t-il lui-même à l’église, devant l’image du Sauveur ; et là il se jette en prière, implorant Dieu pour ce larron, afin que Dieu lui donne la vraie connaissance, de telle manière qu’il puisse se repentir et sauver son âme. Si bien que, le larron s’en allant avec l’âne et se trouvant déjà presque hors du bois, voilà que, au moment de sortir de celui-ci, l’âne s’arrête comme s’il avait été de pierre et attaché au sol. Alors notre homme, craignant d’être rejoint, veut s’en aller et laisser l’âne. Mais à