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blasphème conduisant facilement à une idolâtrie plus ou moins déguisée, mais aussi celle des Prophètes, comme un sacrilège les diminuant inévitablement. » M. Burnand, sans rien nous dire, s’est pareillement gardé de figurer quoi que ce soit de surnaturel. M. Maurice Denis en a montré si peu que ce n’est guère la peine d’en parler. Et sans aucune théorie préconçue, sans mot d’ordre, tous nos artistes font pour le Christianisme ce que fait M. Dinet pour l’Islam : ils nous montrent les gestes des croyans, les cérémonies du culte, le reflet de la paix, de l’espérance sur leurs visages extasiés, mais ils ont abandonné la figuration de la Divinité et de ses messages à la terre.


III

À cette question : « Quel était le type de la Parisienne en 1914 ? » si on la pose dans cent ans, la réponse ne sera pas très aisée. Car M. Boldini nous en donne une, qui n’est pas celle de M. Aman-Jean, laquelle diffère assez des témoignages de M. Jacques Blanche, ou de M. Besnard, et M. Baschet survient à point encore, pour tout embrouiller. Supposons qu’il ne subsiste, dans les collections, par la malice des événemens, que le document fourni par M. Boldini : Portrait de Mlle R… et Portrait de Mlle L… salle XVIII. Voilà une image bien caractéristique d’un temps et d’un pays, pensera-t-on : nous tenons, là, sans aucun doute, le type de la Française au début du XXe siècle. C’est fort bien, mais si, au lieu du document fourni par M. Boldini, c’est celui qu’ont rédigé M. Baschet, ou M. Besnard, ou M. Chabas qui survit aux incendies, aux nettoyages, aux oublis, et qui tombe entre les mains de l’historien, voici un arrêt tout différent que rendra l’histoire, avec non moins d’assurance et une somme égale de « crédibilité, » puisque le document sera « du temps » et signé d’un de ceux qu’on considérait alors, à tort ou à raison, comme des « maîtres. » Nous jugeons tous les jours du Passé par une semblable méthode, c’est-à-dire en tenant pour l’expression de la vérité un document dont le grand mérite est de n’avoir pas servi à faire des papillotes.

Supposons, au contraire, que tous les portraits réunis ici, échappent à la destruction et soient consultés par les psychologues futurs, — s’il y a encore, dans cent ans, des psychologues, — qu’arrivera-t-il ? Qu’ils seront bien embarrassés…