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faisant voler un léger ballon dans les airs, » ou Ulysse se réveillant au cri qu’elles poussent quand leur ballon tombe dans le fleuve, et apparaissant « dépouillé de ses vêtemens » et « souillé du limon des mers… » Or, il faut bien le dire : cette histoire, — en tant que péripétie, — ne nous intéresse que médiocrement, et il n’est guère de choses auxquelles nous pensions moins souvent qu’à l’aventure de Nausicaa. Mais quelle admirable péripétie de formes, de gestes, de couleurs ! Quel rythme indéfiniment nouveau, quel accord avec notre sensibilité esthétique ! Comme on comprend bien que, laissant à leurs théories les pédans du « futurisme, » ou de l’« Art social, » les artistes retournent au « nu » et au « drapé, » non parce qu’ils sont antiques, mais parce qu’ils sont éternels. Ainsi ont fait M. Auburtin dans son panneau Comme arrive le Printemps, M. Armand Point dans son Effort humain, M. Desvallières dans son Hercule au jardin des Hespérides, et M. Guillonnet (aux Champs-Elysées, salle 7) dans son Berger des Géorgiques

Ne cherchons pas d’autres causes à la supériorité de notre statuaire dans les tombeaux. Nos grands hommes de places publiques sont le plus souvent des cauchemars de laideur et de vulgarité. Si les « gisans » de nos monumens funéraires ont parfois encore quelque grandeur et quelque style, depuis le Cavaignac de Rude jusqu’à l’Alexandre Dumas fils de M. de Saint-Marceaux, c’est que l’artiste n’est plus tenu au « complet ajusté » par le tailleur, mais qu’il dispose librement les plis du vestis talaris. Ainsi, les morts, en statuaire, nous attristent-ils moins que les vivans. Cette année, précisément, le tombeau a inspiré plus d’un artiste. M. de Monard a coulé, en bronze, un monument anonyme et glorieux Aux Aviateurs morts pour la patrie. M. de Charmoy a imaginé ce que doit être, selon lui, le Tombeau du poète. M. Mercié a sculpté l’effigie funéraire du Prince de Joinville, le prince navigateur, artiste et soldat, qui aima tant son métier et put le pratiquer si peu. M. Morel et M. Malet exposent des tombeaux. Enfin, M. Bartholomé a taillé, dans la pierre, une Femme appuyée sur une stèle, courbée par la douleur, semble-t-il, et pleurant sur une tombe. Ce dernier morceau est ce qu’on peut attendre du grand artiste auquel nous devons les émotions les plus profondes de la statuaire contemporaine.

Ces manifestations d’un même sentiment sont très diverses,