Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 21.djvu/429

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fanfare sur les têtes rougeaudes de jeunes tambours défilant dans la rue, et c’est l’Orchestre d’Enfans d’Hochard ; des figures étonnées de bambines se pressent et se serrent autour d’une statue de la Vierge sous la cornette protectrice des religieuses, et c’est le Mois de Marie, de M. Frédéric ; des formes blanches aux longs voiles tombans se blottissent au pied de lourds piliers sous l’équivoque lumière des vitraux, et c’est la Confrérie de Notre-Dame de M. Belladen ; des Bretons et des Bretonnes aux coiffes palpitantes se reposent à terre, par groupes, autour d’une vieille église basse, pareille à un navire ensablé, et c’est le Repos des pèlerins au Pardon de Sainte-Anne-la-Palud de M. Le Gout-Gérard. Les gestes du Benedicite inspirent, aux Champs-Elysées, M. d’Argoat et M. Désiré Lucas, la prière des nonnes prosternées devant l’autel de Notre-Dame de la Mer inspire M. Lorimer. La Fontaine miraculeuse, en Bretagne, a donné le thème d’un excellent tableau à M. Henri Guinier, et l’œuvre la plus accomplie du Salon est le groupe de deux femmes à l’église (salle 26), que M. Maxence a intitulé Oraisons.

Sans doute, si l’on passe, ainsi, du Salon de l’avenue d’Antin à celui des Champs-Elysées, on change un peu d’atmosphère. On se retrouve, çà et là, dans l’atmosphère du siècle passé et même de l’ancien Palais de l’Industrie. Car c’est le Salon de l’Ecole, dernier réduit des retardataires. On a un peu oublié d’ouvrir les fenêtres. On y trouve donc encore de grandes inutilités comme Après l’Émeute de M. Manceaux, ou le Travail, un chantier de construction, par M. Henri Martin. Et M. Scott a voulu nous dire, après Veretschaguine, ce que sont les horreurs d’une guerre dans les Balkans, avec ses tableaux sur le Transport des soldats turcs tués à Kirk-Kilissé et le Service religieux sur les tombes des soldats bulgares. Mais ce n’est point là qu’on s’arrête. L’œuvre la plus saisissante des Champs-Elysées, l’Enterrement de sept heures chez les Petites Sœurs des Pauvres à Saint-Omer, par M. Joets (salle 16), est une impression de recueillement religieux et d’intimité. C’est aussi l’impression dominante des Dames de l’ouvroir de M. Jonas (salle 17), et d’un grand tableau, intitulé Un vieux, par M. Grün (salle 4). Ce robuste vieillard, encastré dans une stalle de chœur, les mains nouées entre ses genoux, solidement posé, le front penché, comme pour écouter quelque office, semble, lui aussi, plaider pour la vieille église où il a trouvé un abri.