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l’hôtel des Invalides, où le corps doit être déposé. Les tribunes qu’on dresse sur cette place pourront contenir plus de trente mille personnes, la grande avenue au milieu de ces tribunes est ornée des statues de tous les rois de France qui se sont distingués par leurs victoires. Cette allée de statues colossales aboutit à un arc de triomphe, à l’entrée de la première cour des Invalides ; de là jusqu’à la porte de la cour intérieure, il y a deux rangées de candélabres d’une imposante dimension, puis il y aura encore des drapeaux, des aigles en grand nombre.

Le corps de Napoléon a été trouvé dans un état de conservation surprenante : à l’exception d’un petit bout de son nez, rien n’est entamé. On espère que par les procédés qu’on a inventés récemment, on parviendra à conserver le corps du grand homme absolument dans l’état où on l’a retrouvé.


26 décembre. — Les journaux étant remplis de pompeuses descriptions de l’entrée triomphale des cendres de Napoléon, je me contente de consigner ici mes impressions. Le clergé, la Cour, les hauts dignitaires ne figurant pas dans le cortège, il ne se composait que de troupes à pied et à cheval et de gardes nationaux suivis de quelques canons, du prince de Joinville à cheval, entouré de deux aides de camp et de ses marins. Pour rompre la monotonie de ce cortège, on y avait adjoint des gardes municipaux, portant chacun, au bout d’une perche, un écriteau sur lequel était inscrit le nom d’un département. Ces noms ne sont pas bien sonores et ne rappellent aucun souvenir, si ce n’est que, dans chacun de ces départemens, il y a un préfet, un sous-préfet, des maires et leurs adjoints, puis un député plus ou moins bavard qui le représente à la Chambre, tandis que, en rappelant les noms des provinces : l’Alsace, la Touraine, la Bourgogne, le Languedoc, la Normandie, on eût rappelé des faits et des gloires qui auraient parlé à l’imagination des spectateurs et auraient peut-être animé et réchauffé cette solennité si glaciale.

Le char était beau et même magnifique dans ses détails, mais il était tout doré et ressemblait un peu trop au char du bœuf gras ! Et Napoléon ramené d’aussi loin, pour servir de spectacle aux Parisiens, à cette foule avide de plaisir et de mouvement ! Jamais cérémonie funèbre n’a été moins touchante et jamais, non plus, souvenir épique de l’histoire de France n’excita moins