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j’y pense, j’ai envie de pleurer et d’autant que je ne connais pas de remède à cette immense démoralisation. »

Cette jérémiade dans la bouche de M. Berryer m’a paru bien extraordinaire, alors que lui-même est le plus grand démolisseur de toute la France. Dans ce même salon de la princesse de Liéven. M. Thiers a dit un jour en ma présence, à ce défenseur de la légitimité : « Oui, j’avoue que je suis un grand démolisseur, mais, sous ce rapport, c’est vous, Berryer, qui méritez la palme, car vous mettez à votre œuvre de destruction plus de système et plus de suite que moi. »

Mme de Flahaut m’a confié, à notre soirée d’hier, que M. Guizot n’a pas voulu accepter le discours d’ouverture des Chambres tel qu’il était proposé par le Roi ; il est revenu au projet, rédigé par Passy, qui a servi de prétexte à la retraite du ministère Thiers. Le Roi., d’après Mme de Flahaut, a dû faire cette concession à M. Guizot.

Le comte Molé avait l’air soucieux, chez nous, hier. J’ignore, au reste, ce qu’il veut, puisque, malgré les invitations du Roi, il ne s’est pas rendu au Château et s’est contenté de faire mettre dans son journal, la Presse, que le Roi l’avait fait appeler à l’occasion de la crise ministérielle.

Dufaure et Passy, les seuls qui dans le nouveau ministère représentent le centre gauche, veulent, dit-on, se retirer de la nouvelle combinaison, ne pouvant obtenir pour eux aucun portefeuille important tel que les Affaires étrangères, l’Intérieur ou la Guerre, l’un de ces deux premiers surtout qui se trouveront entre les mains du parti doctrinaire : Guizot au ministère des Affaires étrangères et Duchâtel au ministère de l’Intérieur.


7 novembre. — Jusqu’à présent, le ministère du maréchal va parfaitement bien ; il a remporté le premier et le plus important triomphe, celui de la présidence qui a été de nouveau confiée à Sauzet contre Thiers et Odilon Barrot. Le discours du Roi a été très pacifique. Espérons que tout s’arrangera de nouveau pour la paix, et que cette paix si nécessaire à l’Europe pourra se maintenir.


20 novembre. — Je suis allé faire ma cour à la reine d’Espagne, je l’ai retrouvée aimable, gracieuse, spirituelle et bienveillante, comme je l’avais vue en Espagne, il y a quelques