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Kakamoéka. C’est le point où commencera mon voyage en baleinière ; nous passerons la nuit ici.

Dans le crépuscule, le fond de la trouée du Niari s’éloigne, n’est plus qu’une masse confuse ; une dernière clarté glisse sur l’eau ; les grands arbres de la rive opposée se dessinent à peine, ils se confondent avec leur ombre sur le fleuve, et semblent s’être rapprochés de nous. Dans la sonorité nocturne, la mélopée des crapauds s’élève, un jappement court et mélancolique lui répond : l’appel des caïmans, m’affirme Moussa.


Le Manji a repris sa marche, il poursuit sa route à travers des décors de féerie. Bientôt le fleuve se resserre, un coude brusque, et deux blocs de granit surgissent, dressant leur masse à 50 mètres l’une de l’autre. Ce sont les portes de N’Gotou. Entre ces deux bornes colossales, deux géans de pierre qui ont l’air de se parler, nous passons ; et, peu après, nous apercevons les cases de Kakamoéka, le point terminus de la navigation des vapeurs.

Nous gagnons à pied Manji, le poste de la Société d’Études, situé à 1 kilomètre de là, où nous devons séjourner vingt-quatre heures, le temps nécessaire au partage des charges. Il est indispensable en effet d’alléger les baleinières dans la région des grands rapides, c’est-à-dire entre Kakamoéka et Zilengoma ; je ne prendrai avec moi que 400 caisses ou ballots, M. Fondère fera transporter le reste par terre à Zilengoma, où je reprendrai la totalité des charges pour les conduire ensuite jusqu’à Kimbédi.


Colonel BARATIER.