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transporter des charges par cette voie, puisque sur la route de Loango à Brazzaville pas une caravane ne consent à s’aventurer. La présence des tirailleurs ne suffira pas à rouvrir cette route, il faudra la présence de Marchand ; lui seul est qualifié pour obtenir les pouvoirs nécessaires. D’ailleurs, les tirailleurs qui devaient arriver le 24 juin, par le même bateau que le capitaine Germain, ont été retenus à Libreville avec leur chef, le lieutenant Mangin, et le docteur Emily. Il n’y a donc rien à entreprendre, pour le moment, sur la route de terre, tandis qu’il est possible de faire une tentative par la voie du Niari. Le moyen m’en est donné par la Société d’Etudes Le Chatelier, qui veut organiser un service de transports, par le Niari et le Kouiliou, entre la côte et le poste de Kimbédi, situé sur la route du Pool à moins de 200 kilomètres de Brazzaville. Les charges qui lui seront confiées iront de la côte à Kakamoéka, au pied des rapides du Niari ; là, tournant ces rapides, elles emprunteront une route de terre, libre celle-ci, pour atteindre Zilengoma, où des baleinières les reprendront et les conduiront à Kimbédi.

Ces baleinières, des surf-boats servant à passer la barre, sont actuellement à l’embouchure du Niari, et la Société d’Etudes en a besoin sur le Kouiliou. M. Fondère m’a proposé de les conduire à Zilengoma, et d’utiliser ce voyage pour transporter 800 des charges de la mission. Nous nous rendrons ainsi un service réciproque.

Il est vrai que les voix les plus autorisées du Congo traitent ce projet de folie. Les rapides du Niari sont infranchissables, dit-on ; ou je mettrai six mois à les remonter, et quand j’y serai parvenu, toutes mes charges auront été noyées, ainsi qu’il en a été d’un essai tenté il y a deux ans ; ou j’aurai le même sort qu’ont eu, depuis, le capitaine Pleigneur, noyé dans un rapide et le lieutenant de vaisseau Besançon, mort d’épuisement. Et même, déclarent ces augures, en admettant que j’arrive à Kimbédi, je n’aurai en rien avancé les transports de la mission, car sur toute cette route de Brazzaville, il me sera impossible de recruter un seul porteur ; il faudra en envoyer de Loango.

C’est en effet une conviction absolue au Congo, que les Loangos seuls peuvent servir de porteurs. Le principe est indiscutable : hors les Loangos, pas de salut ! Le monopole du portage leur appartient, il est interdit d’y toucher. Il est vrai que les commerçans de Loango ont quelque intérêt à affirmer ce