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mission. A Zanzibar, il recruta des porteurs, et de là se dirigea immédiatement vers les bouches du Congo où il débarqua le 14 août 1879.

Brazza veillait. Les projets de Stanley ne lui échappèrent pas. Lui aussi avait reconnu que la véritable voie d’accès à l’Afrique centrale était le Congo ; dès que le plan des Belges lui apparut, il se rembarqua, décidé à devancer cette fois Stanley. Les deux grands explorateurs étaient aux prises, mais, tandis que Brazza connaissait le départ de Stanley, ce dernier ignorait les intentions de son rival. L’un n’avait que 300 kilomètres à parcourir ; l’autre, par l’Ogooué et la Lèfini, en avait près de 2000 ; mais Stanley traînait à travers une région accidentée le lourd convoi des voyageurs anglais ; Brazza emportait pour tout bagage son cœur et sa volonté.

Au mois de septembre 1880, Brazza touchait le Congo, et, après avoir conclu un traité avec le roi des Batékés, Makoko, il fondait, le 1er octobre, sur la rive droite du Pool, le poste qui allait recevoir le nom de Brazzaville. Stanley était encore loin. Ce fut seulement quinze mois plus tard qu’il arriva au Pool. Quelle ne fut pas sa stupeur, lorsqu’il se trouva en face du pavillon français, au pied duquel le sergent Malamine et trois tirailleurs montaient la garde ; Brazza, parti pour fonder d’autres postes, avait confié à ces quatre braves le soin de défendre le drapeau et les nouvelles terres françaises qu’il abritait.

Intimidation et menaces furent vaines ; Malamine se serait fait tuer plutôt que d’amener son drapeau.

Stanley dut se résoudre à créer Léopoldville, en face de Brazzaville ; il lui fallait renoncer à toutes prétentions sur la rive droite du grand fleuve.

Brazza venait d’ouvrir l’Afrique centrale à la France. Comme le disait alors M. Rouvier, demandant à la Chambre la ratification des traités passés avec les indigènes, la France possédait désormais la clé du Congo, de cette magnifique voie navigable qui, sur un parcours de 5 000 kilomètres, arrose une contrée admirablement fertile. Notre commerce allait y trouver le caoutchouc, la gomme, l’ivoire, les pelleteries, les métaux, les bois précieux, notre industrie acquérait des débouchés nouveaux.

Il ne suffit pas à Brazza d’avoir donné la clé de ces immenses régions, il voulut y porter lui-même le nom de la France, y faire aimer son pays d’adoption.