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pondre. Elle s’entoure alors d’une membrane blanchâtre qui se développe avec les œufs et atteint assez vite la grosseur d’un pois ; si on ne l’enlève, on risque la perte d’un doigt, même d’un membre. Il n’y a qu’un moyen de s’en débarrasser, la retirer avec une aiguille. Quant à l’éviter… c’est chose impossible ; elle se glisse sous les guêtres les mieux ajustées, force les lacets les plus serrés, les bandes les mieux enroulées ; nul ne lui échappe.

Heureusement pour l’Europe, la chique ne vit pas dans le froid, dans l’humidité, il lui faut la sécheresse, le sable. Nous devons à cette raison de ne pas la connaître sur notre continent, mais elle se rattrape largement dans l’Afrique qu’elle envahit chaque jour un peu plus, transportée partout par les pieds de nos porteurs et de nos tirailleurs.

Chaque soir, au Congo, l’Européen est forcé de livrer ses pieds à l’examen de son boy. Sur les peaux blanches, la chique se détache en un minuscule point noir, mais encore perceptible ; c’est un avantage dont les noirs ne jouissent pas : sur leur peau la chique ne se décèle qu’une fois la membrane blanchâtre développée ; à ce moment, l’extraction est plus délicate, c’est ce qui explique chez les indigènes le grand nombre de pieds abîmés ou entamés. Il y a peut-être souvent de leur part de l’insouciance ou de la paresse, il faut cependant reconnaître qu’un Loango, dès qu’il est assis, se met généralement à explorer ses orteils à l’aide d’une épine arrachée au buisson voisin, s’il est en route, à l’aide d’une aiguille, s’il est dans un endroit civilisé.

Je ne peux même me figurer le Loango autrement que dans cette position, ou sur le sentier, trottinant, sa longue moutète sur la tête.

La moutète est l’accessoire inséparable du Loango, celui sans lequel il ne porterait pas car il serait incapable à lui seul de soulever 30 kilos ; il n’y réussit que grâce à la moutète, sorte de panier allongé fabriqué avec 2 feuilles de palmier. La confection en est simple : on pose à terre les 2 palmes à plat, les tiges parallèles, à environ 20 centimètres l’une de l’autre ; on croise les feuilles intérieures, réunissant ainsi les tiges sous lesquelles on rejette ce qui reste des feuilles croisées pour l’ajouter plus tard aux feuilles extérieures : le fond est constitué, on l’achève, en nattant trois par trois les feuilles d’un même côté sur presque toute leur longueur, réservant seulement