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Elle relevait de l’exploration, en ce sens qu’elle avait à traverser des contrées inconnues, qu’elle n’avait pas a s’immobiliser dans un pays, et que son rôle n’était pas de combattre, mais d’atteindre son but le plus vite possible. Elle relevait de l’occupation, car tout en s’enfonçant dans l’Afrique, des raisons politiques l’obligeaient à rester en liaison avec sa base d’opérations ; en outre, elle avait à créer des postes et à préparer les indigènes à l’arrivée des forces qui la remplaceraient dans le pays. Elle avait donc besoin d’une escorte suffisante pour fournir la garnison de ces postes, et pour imposer le respect aux populations, ce qui est la plus sûre manière de ne pas avoir à les combattre ; de plus, cette escorte devait être à même de briser une résistance et de permettre à la mission, une fois parvenue au point fixé par le gouvernement, de s’y établir et de s’y maintenir.

La rapidité était une condition nécessaire pour être à temps sur le Nil et y prendre pied. L’occupation des pays derrière la mission pouvait seule justifier les revendications françaises dans la vallée du Nil ; enfin, notre établissement solide sur ce fleuve était indispensable et pour donner à cette occupation un caractère de stabilité, et pour résister à une attaque probable des derviches.

La condition de rapidité interdisait au capitaine Marchand la pensée de tirer ses ravitaillemens de la base d’opérations. Il devait bien rester en relation avec elle, mais en relation trop lointaine pour avoir le temps d’en attendre des convois. Sa mission était donc forcée d’emporter tout ce qu’il lui faudrait en vivres et munitions pour une durée de deux à trois ans.

Par vivres, il faut entendre les vivres européens, sucre, café, sel, farine, quelques caisses de conserves, et enfin les objets d’échange destinés à compléter la nourriture des blancs et à assurer celle de l’escorte.

Sur quelle base s’appuyer pour déterminer l’effectif de cette escorte ?

Il semble à première vue que plus on sera fort, et plus on passera vite. Ce serait vrai si la question ravitaillement n’intervenait pas.

Il était évidemment impossible à Marchand d’emporter dans son convoi les vivres nécessaires à la troupe. Rien que 100 hommes à raison de 300 grammes de riz par jour, représentent pour une seule année plus de 10 tonnes de riz. Il fallait donc vivre sur le pays. Or, en Afrique, les noirs ne cultivent guère au-delà de