Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 21.djvu/310

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jamais d’emphase en ma conduite, agissant comme si j’étais seul au monde, toujours en la disposition de mourir, envisageant les choses crûment et sans lunettes, cherchant en tout et par-dessus tout la vérité, n’ayant jamais pour mobile essentiel la réputation, en un mot, c’est le mot résumant : vérité, vérité, vérité, unité, simplicité, voilà mon type, et tout cela per Dominwn nostrum Jesum Christum, Deum et hominem. Mon Dieu ! qu’en ce siècle, il y a peu d’hommes dans le vrai ! Quelle fascination ! Toujours des riens, des intérêts d’un moment, la vie dans l’opinion, jamais le réel, jamais le vrai dans sa crudité. Par exemple, les philosophes, M. Cousin, etc. On veut paraître philosophe, métaphysicien, et on dit bien des choses vraies, mais avec cela, qu’on est indifférent pour la vérité ! Tout ce qu’on cherche, c’est du beau, car le beau fait parler de soi, et le vrai laisse morfondre ceux qui le disent : aussi dit-on indifféremment le pour et le contre, quand le pour et le contre fournissent en apparence du beau. J’aime bien Jouffroy, parce que lui au moins il voyait là une affaire personnelle. Ce qui le prouve, et ce qui fait son éloge, c’est qu’il était horriblement malheureux.

Dominus pars hæreditatis meæ et calicis mei, tu es qui restitues hæreditatem meam mihi. Mon Dieu ! que je suis content d’avoir dit cette parole ! Que je trouve du goût à la répéter ! J’étais en grand émoi de délibération. Oh ! que j’ai bien fait, grâce à vous, de jeter tout ce fatras, pour aller dire simplement : Dominus pars… La vérité est mon partage ; je l’embrasse, je la prends pour ma compagne, je me dépouille de tout pour elle, je renonce à tout le superflu pour la suivre et m’attacher à elle. Oh ! le christianisme ne serait pas vrai, que cette cérémonie serait délicieuse, et je ne me repentirais pas de l’avoir faite. Ce devrait être l’initiation à la recherche de la vérité, la séparation des hommes, le renoncement au superflu.

Mais si, mon Dieu, le christianisme est vrai, vous me l’avez fait sentir au cœur, j’y adhère de toute mon âme, je l’embrasse de toute ma force : et si (ce qui est aussi éloigné que possible de ma pensée, et ce que je dirais impossible, si l’homme n’était pas un mystère inexplicable) l’avenir me montrait ailleurs la vérité, eh bien ! c’est à la vérité que je suis consacré, je suivrais la vérité où je la verrais, je serais encore vrai tonsuré. Vérité, vérité, n’es-tu pas le Dieu que je cherche ? Dominus pars… Mon Dieu, je ne sacrifie rien de matériel, car je n’ai rien ; mais j’ai