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puisqu’il est douteux qu’il y ait en nous un principe absolument natif. Mais avant d’admettre aucun élément dans mon caractère, il faudra que je regarde s’il n’y serait pas hétérogène. Du reste, je ne dois pas me troubler, quand je sentirai ce désir d’imiter un tel ou un tel, ni surtout m’amuser à argumenter avec ce penchant ; il faut revenir aux occupations et à la couleur d’idées de mon type, quoique restant sous l’impression du type étranger, et cinq minutes après, je serai rentré dans mon naturel.

Comme j’ai un désir extrême de plaire à ceux avec qui je me trouve, et que je sens fort bien que le seul moyen pour cela, c’est de prendre quelque chose de leur ton et de leur manière, vu que les hommes ne peuvent apprécier que ce qui est dans leur type, cela me porte souvent à altérer mon type, sous prétexte que cela ne tirera pas à conséquence pour l’intérieur ; ainsi, durant les vacances, aux réunions des catéchistes, etc. Sur cela j’observe : 1° qu’un homme qui veut rester un caractère doit nécessairement s’attendre à plaire aux uns et déplaire aux autres ; et cela ne doit pas lui faire de peine, car c’est la condition nécessaire d’un bien. Il faut donc s’y résigner et ne pas altérer son unité, pour plaire à un tel ou un tel ; 2° que je suis bien plus sûr de m’attirer l’estime même de ceux qui ne sont pas de mon type, par la permanence en mon caractère, convenablement approprié aux circonstances, que par une trop grande flexibilité à me conformer à eux, car ils sentent fort bien que ce n’est pas de l’intime que cela part ; 3° qu’en me revêtant de ces types étrangers, je ne peux espérer y réussir que médiocrement : or cela est dégoûtant ; 4° enfin cela est indigne d’un homme qui prend les choses sérieusement : il aurait honte d’en faire autant devant ceux qui l’apprécient dans son type ; cela doit suffire pour le faire rougir. Je devrai donc garder en tout un type invariable, quelque chose d’un peu haut, peu flexible, sans roideur, faisant entendre que c’est là un genre arrêté, que rien ne me le ferait changer, parce que je le suis par conscience.

Cette attention sur le genre extérieur est extrêmement importante pour la conservation du type intérieur. C’est une chose impossible qu’un homme ait un genre extérieur, différent de l’intérieur, vu que nous sommes invinciblement portés à conformer le type intérieur à celui que nous croyons que les autres se forment de nous. Cela est si vrai qu’il suffit que nous