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discussion a eu lieu à la Chambre des Communes, et sir Ed. Grey a déclaré que l’Angleterre, si elle n’avait pas pour le moment le moyen de venger Benton, n’y renonçait pas pour l’avenir. Ici une question se posait ; elle naissait de la doctrine de Monroe, en vertu de laquelle les États-Unis, se réservant le droit exclusif de faire rendre justice aux étrangers dans toute l’Amérique, en dépossèdent les Puissances européennes. Soit, a-t-on dit, mais que les États-Unis tiennent leur promesse ; sinon, les Puissances reprendront naturellement l’exercice de leur droit. Et à ce dilemme il n’y a rien à répondre.

La situation se prolongeait, mauvaise pour tous, lorsque est survenu un incident nouveau, bien mince, si on le compare à quelques-uns de ceux qui avaient précédé, mais auquel M. Wilson a attaché une importance imprévue : c’était sans doute la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Quelques marins des États-Unis ayant débarqué à Tampico sous la conduite d’un officier, ont été arrêtés, interrogés, reconnus pour être ce qu’ils disaient être et aussitôt relâchés avec des excuses. On pouvait considérer l’incident comme clos ; mais point ; M. Wilson a exigé que vingt et un coups de canon fussent tirés pour saluer le drapeau des États-Unis, qui serait placé sur un point très apparent du rivage. Huerta ayant demandé que le salut fût rendu, la condition a été acceptée ; mais, pour être plus sûr qu’il en serait ainsi, Huerta a exprimé la prétention que le salut fût rendu successivement après chaque coup. Refus des États-Unis, demande d’un engagement écrit qu’ils devraient prendre, nouveau refus de Washington, rupture suivie du bombardement et de l’occupation de Vera Cruz : les événemens se sont succédé avec une grande rapidité et l’état de guerre s’est trouvé exister de fait entre les États-Unis et le Mexique. Avouons-le, le président Wilson a eu dans le monde entier ce qu’on appelle une mauvaise presse : on n’a pas compris qu’après avoir montré tant de longanimité envers les Constitutionnalistes après l’assassinat de Benton, il émit des exigences si dures envers Huerta à propos d’une affaire aussi insignifiante que celle de Tampico. Mais la cause ou le prétexte du conflit laissés de côté, il fallait en voir les suites et on les regardait partout avec inquiétude. Au Mexique même, ce qui devait arriver est arrivé. S’il y avait un moyen de réconcilier Huerta et Carranza, c’était d’envahir le sol national. Les Mexicains sont patriotes : nous en avons su quelque chose autrefois. Sans doute, la réconciliation ne s’est pas faite dès le premier jour entre les deux généraux, mais Carranza a écrit à M. Wilson pour se plaindre d’un acte militaire qu’il regardait comme une faute et exprimer l’espoir