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pêche, la chasse. Il est assisté, dans chaque commune, par un notaire, agent de l’État.

Quel sera le résultat des réformes ? Les détracteurs prétendent que la Caisse rurale donne beaucoup trop aisément le crédit aux paysans : avec le faible acompte exigé d’eux pour les petits lots, ils ne sont que trop enclins à acheter, mais ne se préoccupent pas ensuite de payer les termes successifs. Au fond de l’âme, ils ont l’idée que la terre leur est due, qu’elle doit être non pas vendue, mais donnée. Le député Jorga ne déclarait-il pas, dans la séance du 4/17 mars 1914, que, par la réforme, on ne donnerait pas la terre aux paysans, mais qu’on la leur restituerait ? Or même en Russie, même en Angleterre, c’est-à-dire dans les pays où la grande, la très grande propriété couvrait la majeure partie du sol, on ne l’a pas distribuée gratuitement. La Caisse ne sera-t-elle pas, à leurs yeux, le créancier indulgent qui doit se transformer en bienfaiteur ? D’autre part, les restrictions mises à l’étendue des lots qu’il est permis à chacun d’acquérir ne sont-elles pas de nature à empêcher les plus énergiques, les plus forts parmi les agriculteurs, de se créer un domaine important, sur lequel ils pourraient exercer leur activité et déployer leurs qualités ? La législation nouvelle est non seulement socialiste, mais communiste, puisque, en limitant pour chacun la faculté d’acquérir, elle cherche à établir une sorte de nivellement par en bas qui est de nature à étouffer les initiatives. C’est la crainte qu’expriment un certain nombre de Roumains, inquiets de voir l’État intervenir dans chaque détail des contrats agricoles et substituer des règles d’airain au libre jeu des fonces économiques. Il est trop tôt pour juger l’œuvre, mais il est permis de concevoir des doutes sur son efficacité. Certes, le Parlement obéit à un motif louable lorsqu’il cherche à organiser sur de meilleures bases la propriété rurale, fondement de l’existence du pays ; la Roumanie est encore trop près de l’époque féodale, son territoire renferme trop de vastes domaines, ses paysans sont trop pauvres, pour que le législateur ne continue pas ses efforts bientôt demi-séculaires, en vue d’une amélioration du sort de ces derniers et d’une plus grande division des terres. Il ne faut donc pas juger le code rural qu’elle vient d’établir avec les idées que nous apporterions à l’examen de plusieurs de ces mesures, si elles étaient proposées en France, où elles seraient d’ailleurs sans