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usé de tant de précautions. En réalité, le pape Pie VI n’avait rien d’un intransigeant, et l’expérience n’avait fait que fortifier son naturel esprit de conciliation. L’empereur Joseph lui avait imposé un ensemble de réformes qui ressemblaient fort à celles de la Constitution civile, et ce premier conflit entre l’Église et l’État, bien que résolu récemment à l’avantage de la papauté par le mot de l’Empereur (20 février 1790), avait laissé au Pape l’impression d’un péril au-devant duquel il n’y avait pas à courir d’un cœur léger.

Continuons cet exposé chronologique. La réponse des évêques, qui est l’Exposé des principes rédigé par Boisgelin, part pour Rome le 9 novembre. Durant tout cet intervalle, la Constitution commence à être appliquée ; les difficultés et les résistances apparaissent, et Rome refuse de prendre une résolution définitive en dépit de toutes les instances du gouvernement français, très mollement soutenues du reste par Bernis. Pourquoi ces atermoiemens ? À cause d’Avignon, dit M. Mathiez. Il est possible, en une certaine mesure, mais le Pape invoquait, non sans apparence de raison, la nécessité d’attendre la consultation des évêques, consultation provoquée par lui. Qu’eût-on dit si, après l’avoir demandée, il avait pris son parti sans l’attendre ? C’est alors qu’on aurait pu l’accuser d’opinion préconçue. Il est vrai qu’après avoir reçu l’Exposition des principes, le Pape ne répond pas par retour du courrier. Mais l’eût-il fait que sa réponse fut encore arrivée trop tard. L’Exposition des principes est partie pour Rome le 9 novembre. Les courriers les plus rapides mettaient de neuf à onze jours pour le trajet. Or, presque au moment où le Pape recevait l’Exposition des principes, avant qu’il eût pu matériellement prendre une décision et encore moins la faire connaître, un nouveau pas était fait à Paris. L’obligation du serment sous huit jours, proposée à l’Assemblée le 26 novembre, était votée le 27. On ne peut pas dire que la Constituante avait épuisé la patience à l’égard des lenteurs du Saint-Siège.

Est-ce fini ? Pas encore. Le décret sur le serment n’est pas sanctionné. Le Roi, avant de s’y résoudre, fait un nouvel effort auprès du Pape. Ses suprêmes propositions, rédigées par Boisgelin, arrivent à Rome le 14 décembre. Le Pape ne perd pas un moment et convoque la Congrégation de cardinaux du Saint-Office pour le surlendemain. Ce n’est donc pas encore une fin