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qui a tiré le coup a été pris ; le Roi, dit-on, a échappé comme par miracle[1].


26 juin. — Hier soir, samedi, jour de réception chez nous, il y a eu beaucoup de monde, les uns pour entendre de nouveaux détails sur l’attentat, les autres pour en donner. Le comte de Rohan-Chabot, l’un des aides de camp du Roi, était dans la cour des Tuileries, au moment où l’attentat eut lieu. Il venait de quitter le Roi et se disposait à traverser le Carrousel, pour se rendre chez lui, lorsqu’il vit la voiture du Roi s’arrêter sous le guichet des Tuileries ; au même instant, il entendit le terrible mot d’attentat prononcé autour de lui. Tout troublé, il courut vers le guichet, mais, avant qu’il eût pu l’atteindre, la voiture du Roi continuait son chemin vers Neuilly.

Sa Majesté n’a pas été blessée, ni personne dans la voiture, où il y avait la Reine et Madame Adélaïde. Le Roi, sans se troubler, a mis la tête à la portière pour se montrer à la foule qui s’était rassemblée : « Je ne suis pas blessé, mes amis, dit-il. Vive le Roi ! »

Et la foule répéta : « Vive le Roi ! »

M. de Chabot nous dit encore que le jeune homme qui a tiré sur le Roi avait été reconnu par un garde national. Il s’appelle Alibaud, il est jeune, bien fait, ayant très bonne tournure et une figure agréable. Au moment où on l’arrêtait, il a tiré un poignard pour se tuer ; un des gardes municipaux l’ayant traité de lâche : « On n’est pas lâche, répondit-il, lorsqu’on cherche la mort ! »

Le prince Paul de Wurtemberg, qui arriva chez nous peu de temps après Chabot, nous confirma tout ce que nous venions d’entendre, mais il y ajouta que cet événement avait fait peu de sensation sur le public. Dans les groupes auxquels il s’est mêlé, au Palais-Royal et sur d’autres places, il a entendu deux exclamations : « Oh ! le maladroit ! » disaient les uns. « C’est un fou, » disaient les autres.

Dans un conseil des ministres qu’a présidé le Roi hier soir, il a été décidé que, malgré l’attentat, la revue de la garde nationale, à l’occasion de l’anniversaire des « Glorieuses, » aurait lieu. Mais ensuite on déclarera dans un ordre du jour, par

  1. L’attentat d’Alibaud.