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Croyez-vous que l’Ambassadrice me recevra, qu’elle me permettra de passer cette demi-heure avec elle ?

J’ai répondu que c’était l’heure que l’Ambassadrice passait ordinairement avec sa fille, pour répéter avec elle sa leçon de piano, mais que je ne doutais pas qu’elle serait charmée de recevoir la princesse. Je remontai donc dans sa voiture et nous nous rendîmes à l’ambassade, où elle tua sa demi-heure.


17 mars. — Le concert chez Delmar a été charmant ; j’y suis resté jusqu’à minuit, et j’y serais resté plus tard encore, car j’étais bien placé, à côté d’une femme agréable avec qui j’ai causé bien gaiement, la duchesse de Sutherland. Mais j’avais promis aux princesses Schönburg et Brezenheim de me trouver chez Mme Emile de Girardin. J’ai donc dû quitter la duchesse et je l’ai quittée à regret.

Chez Mme de Girardin, il y avait beaucoup de gens de lettres, d’abord sa mère Mme Sophie Gay, puis Alfred de Musset et Lamartine, Balzac, Victor Hugo, Jules Janin, Emile Deschamps, Alexandre Dumas, Resseguier et autres. Mme Delphine de Girardin nous a récité de jolis vers de sa composition avec une grâce et, qui plus est, une simplicité parfaites. Lamartine nous en a dit de charmans et qui n’ont pas encore paru. Ces déclamations alternaient avec des romances, dont les paroles étaient composées par un des auteurs présens et mises en musique par Labarre, qui les accompagnait ou les chantait. Plusieurs de ces romances ont été composées par Mlle Lambert, charmante jeune personne remplie de talent et qui chante d’une manière inimitable. Chaque fois qu’on se mettait au piano, Mme Sophie Gay nommait l’auteur du poème qui nous exposait le sujet ; on nommait ensuite l’auteur de la musique qui chantait ou accompagnait le chant de sa composition. Nos deux princesses, pour lesquelles une soirée passée de cette manière était chose toute nouvelle, en ont été dans le ravissement.

Parmi tout ce monde, il y avait aussi Mme Victor Hugo. Elle parlait beaucoup, mais avec esprit, avec un peu trop de recherche peut-être. Tous ces messieurs paraissaient beaucoup l’apprécier ; Mme Gay m’a dit qu’elle aimait mieux le mari que la femme, ce qui ne m’étonne guère, car Mme Gay ne me fait pas l’effet d’être indulgente pour les femmes.