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tout au contraire, est extrêmement gai, faisant chez lui les honneurs d’une manière charmante.

Son Altesse Royale nous donna les détails les plus intéressans sur la campagne qu’il vient de faire à Alger, contre Abd-el-Kader. Il nous dit que parfois il a été bien heureux de trouver pour la nuit un abri contre le mauvais temps dans un ancien tombeau, espèce de souterrain humide et peu confortable. Il nous raconta qu’un jour, Ibrahim-Bey, l’allié fidèle de la France, l’avait invité à dîner. Ordinairement, Ibrahim-Bey dîne seul avec deux de ses généraux. A l’heure du repas, son armée se rassemble devant sa tente, dont les rideaux sont ouverts, afin qu’on puisse le voir dîner. Une musique composée de trompettes et de tambours joue des fanfares au moment où Ibrahim saisit le poulet au riz qui se trouve devant lui. Il arrache à la fois et en mesure les deux pattes de la bête, les présente aux deux généraux qui sont assis à côté-de lui. Cet acte de sa munificence ne manque jamais de lui attirer les applaudissemens de la foule.

Le Duc d’Orléans m’a assuré qu’à l’un des dîners qu’Ibrahim lui a offerts, il lui a été impossible de manger les mets qu’on servait. C’était par exemple de la pommade à la rose comme on en vend chez Lubin, dans laquelle il y avait des morceaux de viande coupés en carré, puis du gigot de mouton au miel et aux raisins de Corinthe.

« Voyant, poursuit le Duc d’Orléans, une espèce de boudin qu’on n’avait pas servi encore, je comptais y trouver de quoi me rassasier. Mais quel fut mon désappointement lorsqu’on le coupant en deux, il en sortit une espèce de liquide jaune et rouge si peu ragoûtant et d’une odeur si nauséabonde qu’il me fut impossible de le porter à ma bouche. »


13 février. — J’ai assisté plusieurs fois aux débats du procès des accusés du 28 juillet ; c’est un affreux spectacle que présente le banc des accusés. Cet affreux Fieschi, ce lâche Pépin, cet infâme vieillard Moray si impassible, si commun, si vulgaire, et ce Fieschi, visant toujours à l’effet, acharné, vindicatif contre ses complices, sans le moindre remords pour ce qu’il a fait ! S’il en parle, c’est encore pour exciter l’intérêt de son auditoire, il se met constamment en scène, il n’oublie jamais qu’il parle non seulement devant la France, mais devant l’Europe.

« Je suis un grand coupable, dit-il, il n’y en a pas eu de