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prononcer un discours qui a été, nous le constatons avec plaisir, un discours de détente. Ce n’est pas lui qui donnera le signal d’une de ces campagnes contre l’armée dont nous avons vu ailleurs le triste exemple. Il a parlé des généraux démissionnaires avec respect. Pendant ce temps, sir Edward Grey, qui le remplaçait à la Chambre des Communes, a fait entendre, lui aussi, des paroles auxquelles on a donné un sens conciliant, sans doute parce qu’en effet elles l’avaient, mais aussi parce que tout le monde commençait à sentir la gravité de la situation après tant d’imprudences commises de part et d’autre. A un moment, l’opposition se taisant, un membre de la majorité a dit que ce silence signifiait qu’on était d’accord. — Il signifie, a répliqué M. Balfour, que nous sommes effrayés.

Et il y a de quoi l’être. On a pu voir une fois de plus combien peu de temps il faut pour ébranler dans un pays, et dans un pays où la tradition est aussi forte qu’en Angleterre, les bases sur lesquelles repose l’ordre politique et militaire. C’est une leçon dont chacun peut faire son profit. Il s’en faut que la crise soit conjurée ; on ne peut même pas dire qu’elle soit suspendue et nul ne sait comment elle se résoudra. Il devient de plus en plus probable que les élections générales seront rapprochées, et même qu’elles sont très prochaines. Tout le monde sent le besoin de faire appel au pays : mais que répondra-t-il ? Tant d’autres questions se mêlent à celle du Home Rule qu’il sera difficile de l’en distinguer, de l’en séparer, de l’isoler, et que la réponse du pays sera peut-être confuse. Rien ne prouve d’ailleurs que l’Ulster s’inclinera devant cette réponse si elle lui est contraire. Où sera alors la force qui l’y contraindra ?


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

FRANCIS CHARMES.