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de pressentir ses officiers pour savoir ce qu’ils feraient s’ils étaient employés contre l’Ulster. La mission était délicate, difficile à bien remplir : aussi, lorsque sir Arthur Paget a posé la question au général Gough, commandant la troisième brigade de cavalerie, celui-ci a donné aussitôt sa démission et 57 officiers ont suivi son exemple. Grand émoi à Londres, comme on peut penser. Cette fois, le colonel Seely a fait venir le général Gough pour lui demander de retirer sa démission, et cet officier, discutant de puissance à puissance avec son ministre, qui était assisté de sir J. D. P. French, général en chef de l’armée britannique, de l’adjudant général sir J. S. Ewart, enfin de lord Morley, a signé avec eux une déclaration délibérée en Conseil des ministres, mais à laquelle le général Gough a exigé et obtenu qu’on ajoutât une phrase finale où il était déclaré que le gouvernement n’avait aucune intention de se prévaloir de son droit de commandement sur l’armée « pour l’employer à réduire l’opposition politique faite à la politique ou aux principes du Home Rule. » Moyennant quoi, le général Gough a retiré sa démission et promis que celles des officiers seraient retirées également. Mais, quand ce texte a été connu à la Chambre des Communes, l’agitation y a été si vive, si violente même, que M. Asquith s’est vu obligé de désavouer le ministre de la Guerre. Celui-ci a reconnu loyalement lui-même qu’il avait ajouté une phrase à la déclaration rédigée en Conseil ; il avait cru bien faire et agir dans l’esprit de la déclaration ; il s’était trompé, il donnait sa démission. Le général French et l’adjudant général Ewart ont suivi son exemple et il a été impossible de les faire revenir sur leur résolution : ils avaient signé le papier, leur honneur était engagé. Le ministère perdait un de ses membres ; l’armée perdait le ministre de la Guerre et son général suprême et le désordre était encore plus grand dans les esprits que dans les faits. Les radicaux entamaient sur le devoir militaire une campagne, qui serait funeste à l’armée si elle se prolongeait, car il ne s’agissait de rien moins que d’opposer la nation à l’armée, et nous ne sommes pas sûrs qu’elle ne se prolongera pas ou qu’elle ne sera pas recommencée. M. Asquith, une fois de plus, s’est montré habile tacticien : il a pris provisoirement le ministère de la Guerre et annoncé l’intention, en rappelant l’armée à son devoir, d’y faire l’apaisement. On a dit qu’un ministre anglais qui changeait de portefeuille, devait se représenter aux électeurs. Nous ne sommes pas sûr que cette obligation s’imposât à M. Asquith, mais il l’a cru ou a voulu le croire. Il n’a pas eu de concurrent et il a été proclamé réélu. Sa campagne électorale lui a donné l’occasion de