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sous lequel on a pillé Saint-Germain-l’Auxerrois et détruit l’archevêché, au-devant de ce roi qui a fait descendre les croix des églises pour les remplacer par des drapeaux tricolores ; quand j’ai vu ce même roi, accompagné de tous les ministres et des maréchaux, se prosterner au pied de l’autel et rendre grâce à Dieu de sa conservation ; quand j’ai vu enfin MM. Guizot, Barthe, Thiers, Maison, de Broglie à genoux sous la bénédiction solennelle du Saint-Sacrement, donnée par l’archevêque avec toute la pompe du rite catholique gallican, au milieu de l’encens et des chants d’Eglise, j’ai cru avoir la berlue. Quel spectacle en effet et n’y avait-il pas de quoi crier au miracle !


25 septembre. — Les mesures contre la licence de la presse ont fait beaucoup crier non seulement le parti républicain, mais même celui du Juste Milieu qui voudrait que le roi Louis-Philippe suivit une marche plus conforme au programme de l’Hôtel de Ville. Heureusement pour la France, heureusement pour l’Europe, il n’y en a plus de vestige dans ce que l’on fait aujourd’hui. Le Roi parle de ces temps-là avec horreur et il n’est pas étonnant qu’il éprouve une grande satisfaction, en comparant sa position d’alors avec celle dont il jouit maintenant. L’autre jour, en parlant de ce damné de La Fayette, il dit que ce n’était que depuis la mort de cet homme qu’il respirait librement et que, sans cela, il aurait eu encore bien plus de difficultés à vaincre.

— Un jour, il vint chez moi, poursuivit le Roi, et en parlant de tout ce que j’avais fait pour arrêter la révolution, il m’adressa des reproches amers et finit par me menacer de son départ pour son château de Lagrange ; je lui dis que si telle était son intention, certainement je n’aurais pas le droit de l’en empêcher.

— Et que ferez-vous une fois que je serai chez moi ?

— Je vous y laisserai, lui répondis-je.

— Vous croyez donc pouvoir régner sans moi ?

— Oui, monsieur, je le crois.


4 octobre. — La princesse de Lieven se résigne difficilement à ne plus être ambassadrice ; elle ne veut pas aller dans le monde, mais elle exige qu’on aille chez elle. Sa conversation favorite est toujours encore la politique ; elle cherche à attirer surtout les ambassadeurs, les ministres et, parmi ces derniers.