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pour annoncer à la reine des Belges que le Roi était heureusement échappé au danger ainsi que ses fils : « Non, lui répondit la Reine, votre parole ne me suffit pas, ne donnez aucune nouvelle à ma fille avant que j’aie vu le Roi de mes yeux. »

« Mon fils, m’a dit encore la maréchale Maison, nous arriva tout haletant, tout rouge, pour me dire que le maréchal n’était point blessé. Toutes ces dames réunies dans les salons se précipitèrent sur lui, chacune attendait avec anxiété qu’il parlât. La duchesse de Trévise, par un hasard heureux, ne s’y trouvait point, mais il y avait ses deux filles, Mme de Rumigny et Mlle Mortier. Mon fils avoua que le maréchal Mortier était tombé de cheval, mais il n’ajouta pas autre chose, car on l’avait averti de la présence de ces dames. Mme de Rumigny, à ce mot, poussa un cri à déchirer le cœur. Elle criait, pleurait et riait tout à la fois, c’était à faire horreur. Elle est encore toujours dans le même état, et la maréchale, sa mère, est tellement accablée qu’on craint pour ses jours. La Reine m’a dit hier que lorsqu’elle est allée la voir, le jour même de son malheur, elle l’avait trouvée couchée en proie à une terrible crise nerveuse. Il y avait dans la même chambre, sur le lit du maréchal, l’uniforme et les gants que le maréchal devait mettre en revenant de la revue pour aller dîner aux Tuileries. »

En attendant le-résultat des perquisitions auxquelles on procède, et de l’interrogatoire qu’on fait subir à Gérard et à son complice, le public et les journaux se perdent en conjectures, les partis se rejettent l’un sur l’autre la responsabilité du crime, comme s’il ne pouvait pas tout aussi bien être, en dehors de tous les partis, l’effet de l’exaltation d’un ou de plusieurs individus. Je crois, et même je ne doute pas, que le gouvernement profitera de ce malheureux et déplorable événement pour proposer aux Chambres des lois répressives contre la presse.

Le Journal des Débats contient aujourd’hui un long article par lequel il veut faire comprendre combien il est nécessaire de s’occuper d’une semblable mesure, mais, tout en voulant et en prouvant cette impérieuse nécessité, il fait un tableau déplorable de l’état dans lequel se trouvent la France et son gouvernement : sans base, sans soutien, déchirée par une guerre civile, une guerre contre les lois et les institutions, une guerre entre les partis, une guerre morale et à main armée contre le pouvoir existant. Est-il possible qu’un gouvernement attaqué