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longue main par Mme de Gontaut et son alentour. Deux dames émissaires devaient se trouver comme par hasard chez une autre qui reçoit, de temps en temps, des visites de Monseigneur. Après l’avoir manqué plusieurs fois, elles parvinrent enfin à le trouver. La conversation fut conduite avec assez d’habileté pour arriver, insensiblement et comme par hasard, à Mademoiselle. Alors ces dames lancèrent sur Monseigneur des fusées d’éloquence toutes dirigées sur son cœur, toutes en faveur de Mademoiselle, dont elles vantèrent la grâce, la beauté, l’esprit et les talens.

« Que me restait-il à faire dans une circonstance semblable ? demanda le Duc d’Orléans à Mme de Bartillat, en lui rendant compte de cette scène ; je n’ai fait autre chose qu’abonder dans le sens de ces dames, en leur disant qu’à la vérité, je n’avais eu l’avantage de connaître Mademoiselle que très jeune, mais qu’alors déjà elle promettait beaucoup et que je ne m’étonnais pas de ce qu’on me disait d’elle. »

Cette belle phrase de la part du Duc d’Orléans donna beaucoup d’espoir à Mme de Gontaut qui fut passablement désappointée, lorsqu’elle eut acquis la certitude que les choses en resteraient là. Elle s’est alors tournée d’un autre côté et travaille à un projet bien plus bizarre encore : celui de mettre le Duc d’Orléans à la tête de l’opposition carliste. Mme de Bartillat fut chargée de faire cette proposition à Son Altesse Royale. Elle ne s’y refusa pas, mais elle exigea des instructions très positives, afin de savoir quel langage elle devait tenir au prince. On les lui donna et elle eut mission de lui faire sentir combien il lui serait avantageux de devenir le chef du parti carliste. Il n’est pas bien avec son père de ce côté-là, il n’a donc aucun sacrifice à faire. Il est, d’autre part, impossible que ce gouvernement tienne et le Duc sera entraîné dans la chute avec les autres ; ce que lui offrait le parti de Henri V était un moyen de salut.

« J’ai dit tout cela au Duc d’Orléans, me confia Mme de Bartillat, mais je l’ai prévenu que, ne lui parlant pas dans le sens de mes opinions, il ne devait pas s’attendre à me trouver bien solide contre les objections qu’il pourrait me faire et que, probablement, il me trouverait vaincue à la première qu’il me ferait. Il me chargea donc de transmettre un simple refus à qui m’envoyait, et voilà où nous en sommes. »