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coup, le comte Médem, chargé d’affaires de Russie à Londres, lui donna cette nouvelle, en l’informant qu’il avait été chargé par sa Cour de demander au roi d’Angleterre l’agrément de sa nomination comme ambassadeur, que la réponse de Sa Majesté avait été affirmative, et qu’il avait l’honneur de lui envoyer les lettres de récréance pour Sa Majesté le roi des Français et celles de créance pour le roi d’Angleterre.

Le général Pozzo, quand il reçut cette dépêche, se trouvait alité à la suite d’une attaque de goutte. Semblable nouvelle n’était pas faite pour l’en guérir. Aussi en a-t-il été plus malade encore, mais, voyant qu’il n’y avait pas d’autre alternative que de quitter le service de la Russie ou d’obéir aux ordres de l’Empereur, il prit promptement ce dernier parti et disposa tout pour son départ. Il a dit l’autre jour, à mon cousin, qu’il ne pouvait plus se voir ici et qu’il voudrait être arrivé à Londres.

Le gouvernement de Louis-Philippe considère ce déplacement comme un grand malheur : c’est ainsi que M. de Rigny et les autres ministres s’expriment en parlant du départ de Pozzo.

Il est hors de doute que, sans le général Pozzo, Louis-Philippe n’aurait pu gagner autant de terrain dans la bonne grâce de l’Empereur et que, maintenant, lui partant, on n’aura pas mal de fil à retordre avec le souverain russe. De plus, Pozzo à Londres ne sera plus le Pozzo de Paris, il suivra une marche tout opposée à celle qu’il a suivie à Paris, ne fût-ce que pour contrarier son collègue de France, le général Sébastiani, dont il est l’ennemi personnel. Il se propose donc d’avance de le contrecarrer de tout son pouvoir et de ne négliger aucune occasion pour le desservir.

Le comte Médem est nommé chargé d’affaires à Paris ; c’est encore un choix qui n’est pas agréable ici, car la dernière fois que Médem est venu en cette qualité à Paris, pendant l’absence du général Pozzo, on l’a trouvé peu traitable et d’une présomption peu en rapport avec sa jeunesse et sa position de simple chargé d’affaires ; aussi le qualifie-t-on d’insolent. On espère qu’il sera bientôt remplacé par un nouvel ambassadeur ; on nomme, parmi ceux qui ont le plus de chances d’emporter cette belle place, Orloff et Tatischeff. Ce dernier est, dit-on, au moment de faire en Pologne un grand mariage très riche. Si, malgré l’espoir qu’on a ici, l’Empereur tarde à envoyer un ambassadeur en France, on ordonnera au maréchal Maison de