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Tes chers vieux livres sont étagés alentour,
Dans l’ombre où faiblement luit l’or des reliures ;
Tu cherches, pour fixer tes songes de ce jour,
Des musiques de mots qui soient neuves et pures.

Voici des mois meilleurs après des ans mauvais ;
Dans ce vase une main aimée a joint ces roses.
Ce destin, c’était bien celui que tu rêvais...
— Que fais-tu là, mon âme, au milieu de ces choses ?


AZUR


Enfans, lorsqu’aux matins de Décembre, à l’étude,
Nous écrivions nos longs devoirs, le dos courbé.
Quelquefois, d’un coup d’œil rapide et dérobé
Qu’abaissait aussitôt la discipline rude,

Nous regardions, là-bas, du côté de la cour,
Au cri sur les cahiers de nos plumes hâtives,
Au sifflement du gaz sur nos têtes furtives,
Les grands carreaux bleuis par l’approche du jour.

C’était sur l’horizon d’hiver la nuit encore,
La noire nuit aiguë aux durs astres d’argent
Qui semblaient, comme un givre innombrable et changeant.
Se nacrer davantage au vent froid de l’aurore.

Miroitante et moirée aux carreaux comme un miel,
La lumière faisait l’étude toute jaune ;
Mais au dehors déjà, sur une longue zone,
Le matin bleuissait dans les hauteurs du ciel.

Oh ! cet étrange azur de l’aurore naissante,
Cet azur infini, dense et pourtant léger.
Qui peu à peu semblait d’en haut se propager
Par une continue et paisible descente !