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Ah ! ce soir où pour moi vivre n’a plus de goût,
Parle-moi, dis-moi bien le mot de cette vie ;
Dis-moi bien que malgré haine, mensonge, envie,
L’homme juste en chemin cueille la paix au bout ;

Dis-moi que, dans cette ombre où le hasard nous mène,
Rien encore ne vaut d’être sincère et bon,
Et docile à l’élan et facile au pardon,
Et d’avouer une âme ingénument humaine ;

Répète-moi tout bas le grand secret divin
Que jadis ont légué les sages aux apôtres :
Celui qui, douloureux, reste doux pour les autres,
Celui-là sera doux pour lui-même, à la fin !


ILLUSION


Ce soir de fièvre avide et d’ardente langueur
Où je sens tout le rêve aboutir à mon cœur.
Où, dans la nuit que fait plus sombre la charmille,
J’erre tendre et confus comme une jeune fille.
Où j’aspire à longs traits le vent moite qui fuit,
Qu’est-ce donc que j’attends dans l’ombre, cette nuit ?

Ah ! c’est que l’hiver fond dans l’air doux, que je cède
A l’antique mensonge épars sur le vent tiède.
Et qu’une fois de plus j’attends pour moi, j’attends
Tout le bonheur qu’apporte au monde le printemps !


ÉTONNEMENT


Que fais-tu là, toujours assis à ton travail,
Penché dans cette pose ardente et coutumière.
Très tard, près de ta lampe au vert globe d’émail
Qui bourdonne à ton front sa chanson de lumière ?