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vous me témoignez par toutes vos manières. Ce sont de continuelles parties de plaisir... dont toutes les circonstances sont si désobligeantes que l’on ne peut rien imaginer de pis ; mais j’aurois tort de me plaindre et de trouver à dire vostre conduite ; elle est charmante pour moy et marque une tendresse et une fidélité surprenantes. C’est sur la mienne que vous pouvez, avec raison critiquer : je vas, dites-vous, tous les jours à la Comédie, et l’on me parle à l’oreille, et l’on me cajole tant qu’elle dure, c’est pour remplir vostre papier que vous me faites ces contes, car il n’y a pas un mot de vérité...

« Cependant vous voulez bien que je vous informe de mes affaires : j’ai leu hier mon contrat de mariage qui ne peut estre plus désavantageux pour moi qu’il l’est.

« Le Prince est maître absolu de toutes choses et il n’y a rien dont je puisse disposer. La pension mesme qu’il doit me , donner est si mal expliquée que l’on peut aisément me la chicaner. J’ai esté fort surprise de tout cela, car je ne m’y attendois point du tout. J’en ai esté si touchée que j’en ai eu les larmes aux yeux.

« Ma mère en a esté attendrie et m’a parlé comme je le souhaite. On ne peut rien imaginer de tendre et obligeant qu’elle ne m’ait dit, jusqu’à m’offrir de vendre ses pierreries et de m’en faire un fonds où je voudrois. Mais enfin nous avons conclu qu’il falloit parler à mon père pour qu’il y mette ordre. Ma mère l’a fait ce matin, la réponse a esté bonne et j’espère que j’obtiendrai ce que je souhaite... Ma mère agit avec moi le plus honnestement du monde, et je suis fâchée que vous la traitiez de folle, car je ne l’ay jamais tant aimée que hier et aujourd’hui. Peut-estre que tout cela vous sera fort indifférent, car je ne sais si je peux me flatter d’un reste de tendresse, et de la manière dont vostre lettre est tournée, j’ai beaucoup sujet d’en douter.

« J’avois résolu de ne vous point dire que je crois aller la semaine prochaine à Hanovre, mais il me semble que je dois vous en avertir afin que, si vous ne me voulez point, je trouve quelque prétexte pour demeurer. J’y aurois esté celle-ci, si vous ne m’aviez mandé d’attendre, de peur de venir mal à propos et de troubler quelque feste. J’attendray que vous me le fassiez savoir...

« J’ai esté toute preste à vous parler de ma tendresse, la